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La Libération de Patay les 15, 16, 17 et 18août 1944 vu par le "Franc Tireur" de Chateaudun

Auteur : Poulot  Créé le : 25/04/2013 21:15

 

LE FRANC-TIREUR DE CHATEAUDUN

Article du dimanche 10 septembre 1944

 

PATAY – LES JOURNEES TRAGIQUES des 15, 16 17 et 18 août 1944

ET LA LIBERATION

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Occupés depuis plusieurs jours à charger en gare un train de munitions les allemands, au fur et à mesure que la journée du 15 août s’écoulait, se montraient de plus en plus nerveux dans la ville. Le soir vers 18 heures plusieurs étaient même postés le fusil à la main dans certains quartiers pendant que d’autres s’enfuyaient dans deux camions dans la direction de Saint-Péravy où ils étaient accueillis comme ils le méritaient.

Il était à peine 20 heures lorsque plusieurs personnes averties que le train allait sauter dans la gare à 20 heures 30 donnaient aussitôt l’alarme. Comme il fallait s’éloigner de la ville à au moins 1500 mètres toute la population, hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards et même malades, sous une pluie battante se hâtait de quitter Patay. La plupart prenait la direction de Villeneuve-sur-Conie pour s’abriter dans les fermes à l’entrée de cette commune.

A 22 heures on commençait à douter de la nouvelle et on se prenait à espérer que les allemands n’oseraient pas commettre pareil acte de vandalisme avant de quitter Patay.

A 22 heures 10 exactement une lueur gigantesque embrasait le ciel, aussitôt suivie d’un bruit formidable. C’était le 1er wagon qui sautait. Explosion suivie d’une quinzaine d’autres plus ou moins violentes (les 1ère et 5ème furent particulièrement terribles) dans l’espace de trois-quarts d’heure environ.

Celles-ci mettaient le feu en plusieurs points, entre autre chez M. Roger, industriel en bois et charbons près la gare et chez Mme Gosme. Il faut bien dire que sans la pluie torrentielle qui tombait sur Patay depuis 19 heures avec le vent qui soufflait il y aurait eu des incendies dans la plupart des quartiers et même dans les fermes des environs chaque explosion lançant dans toutes les directions des matériaux embrasés. Les pompiers auxquels s’étaient joints de courageux volontaires se rendaient aussitôt sur les lieux combattre les sinistres. Le quartier de la gare présentait à ce moment-là un aspect lamentable. La rue principale était jonchée de débris de couvertures, murs, vitres, morceau de wagons, rails, ferrailles. Leur forfait accompli il ne restait plus un boche dans la ville.

Le feu fut partout maîtrisé sauf chez M. Roger où immeuble, ses dépendances et ses stocks, malgré l’ardeur déployée par nos pompiers et les volontaires devaient continuer de brûler pendant plusieurs jours.

Ce n’est vraiment que le lendemain matin 16 août qu’il fut possible de se rendre compte du désastre. Une quarantaine de maisons rendues inhabitable et la plupart des autres immeubles plus ou moins endommagés : toitures percées, cloisons soufflées, vitre brisées.

Cet acte de vandalisme était bien signé et la consternation était générale quand vers 11 heures retentissait le cri de : « Voilà les Américains. Ils arrivent par la route de Villeneuve ». Immédiatement c’était la ruée vers nos libérateurs. C’était à qui leur serrerait la main pendant qu’ils faisaient halte à l’entrée de la ville et distribuaient cigarettes et bonbons.

La population sortait pendant ce temps drapeaux américains français et anglais et c’est dans une ville pavoisée au milieu des ovations et des cris de « Vivent les Américains » qu’ils traversèrent Patay.

L’après-midi une fanfare s’improvisait et défilait accompagnée de la jeunesse aux sons de marches entraînantes. Dans la soirée une douzaine de boches capturés dans les environs étaient désarmés et emprisonnés dans la gendarmerie. Et le soir malgré la terrible catastrophe de la veille qui n’avait heureusement pas fait une seule victime, toute la population devisait gaiement – tard dans la nuit – de n’être plus sous la botte allemande.

Le lendemain matin 17 août il fallut déchanter. Un groupe d’allemands en camions s’arrêtait en face de la gendarmerie, commençait par délivrer ses prisonniers et s’installait à toutes les issues de la ville défendant de sortir de Patay comme d’y rentrer. La matinée se passait ainsi et chacun de se demander avec angoisse ce qui allait arriver, ces indésirables armés, de petits canons anti-chars étant au nombre de 150 à 200, paraît-il.

Vers 15 heures un coup de tambour annonçait à la population que les armes et munitions confisquées la veille aux allemands ou détenues devaient être déposées immédiatement à la mairie faut de quoi à 18 heures un certain nombre d’otages devaient être fusillés et la ville bombardée et incendiée. A l’heure fixée les armes et munitions rendues ayant été jugées suffisantes la seule sanction était que la population devait être rentrée pour 20 heures jusqu’à 4 heures 30 le lendemain.

A 20 heures donc tout le monde venait à peine de s’enfermer qu’un bruit de camions se faisait entendre. Et chacun d’épier derrière ses persiennes. C’était les boches qui quittaient Patay et cette fois pour tout de bon car nos libérateurs étaient à proximité de la ville.

Dès l’arrivée de ceux-ci le lendemain matin 18 août drapeaux et banderoles leur souhaitant la bienvenue, refleurissaient fenêtres et portes et y restaient plusieurs jours pendant que l’accueil se faisait de plus en plus chaleureux envers nos alliés au fur et à mesure qu’ils défilaient dans notre ville. Ville martyre parmi tant d’autres où ceux qui n’ont pas ou peu souffert de la piraterie allemande se mettaient à la disposition de ceux qui ont à peu près ou même tout perdu.