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Les Cahiers de doléance de la paroisse de Vilamblain, 1ère partie

Auteur :  Créé le : 09/01/2016 17:38
Modifié le : 09/01/2016 18:26
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Ce long document  nous a été communiqué par le "Citoyen" Rémi PELLE qui a vécu à la ferme de la Mouise (commune de Vilamblain). Ci dessous la première partie de ces cahiers. 

 

 

.1789 5 MARS

Cahier des plaintes, doléances et remontrances faites et dressées par nous habitants soussignés, composant la communauté du Tiers état de la paroisse de Villamblain.


Seigneur de Villamblain en 1789 Louis-Joseph-Charles-Amable d'Albert, duc de Luynes et de Chevreuse, comte de Dunois, baron de Marchenoir et de Fréteval.

Taille : 4.830 L (principal :2.250L Accessoires:1155 L capitation:1425 L.)
Capitation des privilégiés: néant.

Procès verbal

Date ;5 Mars 1789


Président : Jean-Julien Anthoine, notaire du comté de Dunois. pour les paroisses de Villamblain, Vilampuy, Civry, Ozoir-le-Breuil, Saint-Cloud et leurs dépendances,résidant à Saint-Cloud. Même président qu'à Saint-Cloud et Civry.


 

Population ;110 feux


 

Comparants : Pierre Lepage, laboureur, syndic Louis-François Gosme, laboureur, Joseph Launay; François Servonin; Pierre Servonin,Pierre Boucher,Louis Cormier,Sébastien Lodier,Pierre Piédallu,Etienne-David Piedallu,Jacques Huet,François Desbrée,Jacques Perdereau,Jean Soran,Louis Lepage,

Jacques Dousset le jeune,Philibert Corneau,François Barbault, Abraham Marchand,Etienne et François Daguet,Jacques Dousset l'ainé,Vrain Painchau,Jean Clairet,Mathias-Michel Laisné, LoUis Gauqnard,Jean Savinneau,André Huet,Claude Cousin, Julien Desbrée, Louis Juchet, Jean-Louis Dreux,François Pilate, François Faucheux, Jean Joseph, Barthélemy Chavigny, Germain Thibault,François Cottin,Pierre Pelletier, François Benoiston, François Bourgeon, Louis Huet, Jacques Brissard.

 

Députés :Pierre Boucher et Louis Juchet,laboureurs.


 

Suivent 25 Signatures


 

Y étant ce jourd'hui 5 mars 1789 assemblés,convocations préalablement faites en la forme et au lieu ordinaire, pour être présente par nos députés:à l'assemblée générale des trois Ordres, qui se tiendra le 16 mars du présent mois, et préalablement à l'assemblée préliminaire indiquée pour le 9 aussi du présent mois en la ville de Blois,par l'ordonnance de M.le Lieutenant général au bailliage de Blois concernant les États généraux en date du 9 vrier dernier, en exécution de la lettre du Roi donnée a Versailles le 24 Janvier dernier et conformément à l'article 33 du règlement fait par Sa Majesté, toutes lesdites lettres du Roi, règlement fait par Sa Majesté et ordonnance de M. Le 1ieutenant général, à nous due ment signifiés et d'icelles (sic) laissé copie, le 26 vrier dernier, par Arqy, huissier royal au bailliage de Blois.

Puisque Sa Majesté,dont le gouvernement aussi sage qu'éclairé sait que la rine peut sortir que la réunion des lumières et qu'elle veut bien nous permettre, et néanmoins nous enjoindre de mê1er nos faibles réflexions à celles de tant de gens éclairés qu'elle appelle auprès d'elle , pleins de confiance en la bon du Roi, nous osons faire a Sa Majesté nos très respectueuses plaintes, doléances et remontrances énoncées au présent cahier ainsi qu'il suit:

Il s'est glissé dans toutes les parties de l'administration une foule d'abus infiniment graves,parmi lesquels un des principaux est cette multitudinconcevable d’impôts tant directs qu'indirects qui pèsent sur nous, qui nous accablent, et qui exigent par conséquent la forme la plus prompte et la plus absolue.

Ces impôts ne consistent pas seulement dans la levée de deniers qui se fait sur nous, soit directement par les tailles, vingtièmes, capitalisation et corvées, soit indirectement par les aides, gabelles, et
généralement par toutes les manœuvres sourdes et compliquées de ce qu'on appelle Les fermes générales ; mais ils consistent encore dans l'acquittement des dîmes,dans les exactions de la mendicité, dans les gènes de l'industrie, dans les frais de justice et le reste.
De toutes ces chôses, nous osons porter au pied du tne de Sa Majesté nos très humbles et très respectueuses plaintes et doléances que nous appuierons de courtes réflexions,en jetant un coup d’œil rapide rapide sur chacune de ces charges.

1LA TAILLE- La taille est évidemment un impôt destitué de toute base, et mille causes ont concouru à le rendre l'imt le plus disproportionné. Ici elle est au tiers du fermage, là elle est à la moitié, plus loin elle est au quart. Pourquoi? C'est que bien des paroisses ont trouvé dans leur crédit le moyen de s'en faire décharger. C' est que dans beaucoup d'autres, ou l'on n'a consulté que la qualité, ou l'on n'a eu attention qu'à l'étendue des terres. Outre ces inconvénients, la taille est encore un impôt désordonné, puisqu'elle est perçue sur les avances de culture, c'est à dire sur un fonds que l'ordre physique exige qu'on
laisse intact, par la raison qu'il est la source de la condité puisqu'elle est perçue sur ceux qui ne devraient payer aucun autre tribut que celui de leurs sueurs et de leurs travaux, étant les instruments de la fécondité.

2 LES VINGTIEMES - si les vingtièmes étaient perçus avec équité et sans exemption 1 ils n'auraient pas sans doute les mêmes inconvénients, puisqu'ils tombent seulement sur les revenus libres. Mais, qu'elle réforme n'y a-t-il pas à faire dans cette partie ! et combien de personnes puissantes ont eu le crédit, jusqu'à ce jour, d'en affranchir leurs biens !

3 LA CAPITATION- La capitation dans les campagnes, est un impôt aussi désordonné et aussi disproportionné que la taille puisqu'elle se paye au sol et au marc la livre de la taille, et qu'elle est évidemment un double emploi, sur des individus qui acquittent d'ailleurs si largement par leurs sueurs qu'ils doivent à la patrie.

4 LA CORVEE- Sa Majesté a déjà jugé la corvée un impôt ruineux pour la culture. Le déplacement des hommes et des chevaux devait en effet lui nuire bien essentiellement, et, en calculant bien cette perte de temps, on trouverait sans doute que par cette faute la Nation payait bien au double et au trip1e les penses qu'on croyait lui épargner par un travail forcé.

L'imposition représentative de la corvée ne nuit pas moins au germe des richesses, puisque, comme la taille et la capitation, elle se perçoit sur un fonds auquel l'intérêt le plus sensible ne permet pas qu'on
touche le moins du monde, parce qu'il est impossible d'altérer une source sans faire tort à son ruisseau.

Les impôts directs nous sont donc infiniment onéreux, mais qu'ilS nous semblent légers quand nous les
comparons aux impôts indirects ! Car que ne coûtent pas ceux-ci à la Nation en dépenses effectives ? Que ne lui ctent-ils pas en anéantissement de richesses ? Un savant économiste, qui nous a servi de guide dans la rédaction de ce cahier, ce savant économiste prouve 1d'après un calcul le plus modéré, que la gabelle, seule,coûte en dépenses effectives 100 millions pour en fournir au Roi 36 de recette effective. C'est donc pour cet objet seulement, dans une dépense de 100 millions, sur surcharge en pure perte pour la Nation de 64 millions! Quelque frappante que soit cette surcharge de 64 millions, on n'aurait encore qu'une idée bien incomplète de ce que la gabelle coûte à la Nation, si on n'examinait aussi ce qu'elle lui coûte indirectement, C'est à dire en anéantissement de richesses perte sur la pêche et les salaisons ; perte sur les bestiaux et sur la culture. Quel calculateur pourrait établir justement le montant de ces pertes? Elles sont infinies.

Les aides ne sont pas moins funestes à la Nation. En effet, quoique les boissons soient leur principal objet, quel genre de denrée n'embrassent-elles pas ? Elles coûtent donc comme la gabelle directement et indirectement. La surcharge des aides, dit l'auteur que nous venons de citer, coûte directement à la Nation 112 millions encore déclare-t-il qu'il ne comprend point dans son calcul le droit des traites . Et que ne coûtent-elles pas indirectement et en anéantissement de richesses. puisque la culture de la vigne qu'elles
contrarient 1 qu'elles empêchent de s'étendre, est la source d'une des plus riches productions du royaume!

Le détail pourrait en paraître long, c'est pourquoi nous le restreignons à cette pensée effrayante :
le Roi roit 30 millions par an par un impôt qui coûte 60 millions de dépense effective, par un impôt qui préjudicie de 80 millions sur la valeur. C'est donc dépenser 140 millions pour en avoir 30.

L'usage du tabac s'est tellement introduit parmi nous, qu'encore bien qu'il ne soit pas une denrée de première nécessité, on peut cependant le placer dans cette classe. Or, sous ce point de vue, que ne coûte-t-il pas a la nation? Il lui coûte exactement tout, de la perte au gain puisque dans la récolte qu'elle en pourrait faire sur son territoire qui y est absolument propre, elle serait pae par la terre elle-même des dépenses de sa culture.

Toutes charges faites, le tabac coûte annuellement 72 millions f desquels il convient duire les frais de fabrication qu'on peut évaluer à 2 millions,reste donc 70 millions qu'il coûte en dépense effective et au moins 18 millions en anéantissement de richesse, c'est à dire que le tabac coûte 88 millions pour fournir 24 millions au Roi.

La ferme des domaines qu'on appelle régaliens,nous fournirait1 elle seule, si nous entrions dans le détail, plusieurs volumes de plaintes. Il suffit de dire qu'elle est contraire à la propriété, qu'elle est contraire à l'intérêt social.

Combien l'ordre de l’Église n'est-t-il pas fondé à se plaindre du droit d'amortissement!

Combien ne sommes-nous pas fons nous-mêmes à nous plaindre du droit de franc-fief! C'est un droit contraire à la Noblesse qui ne peut aliéner avantageusement, contraire à l'intérêt social qui veut
que les héritages se vendent librement, contraire à la proprté qu'il pouille des fruits qu'elle a droit de percevoir, à laquelle il ne laisse plus que les charges,puisqu'il lui enlève, non seulement pour un an, mais pour une année et demie, au moyen des sous pour livre dont l'impôt est accompagné.

N'est-ce pas là spolier la propriété ?

Les impôts sur les actes ne demandent pas moins de réclamations de nos parts. Que le prince, en effet,donne des règles pour assurer l'authenticité des actes, c'est certainement un des plus importants services qu'il puisse rendre à la société; mais n'est il pas désolant pour elle que cette sûreté que le prince lui doit soit devenue la source féconde de mille impôts arbitraires et ruineux et contre l'étendue desquels personne n'est en pouvoir de se tenir en garde, ni de réclamer,soit parce que tout le monde ignore absolument les règles supposées dans la perception de ces droits, soit parce qu’on se défendrait inutilement devant les hommes qui sont en même temps juges et parties.

La sûreté qu'on croit encore trouver dans le contrôle des actes des notaires est une chimère absolue,
et il est inconcevable qu'on ait jamais pu lui supposer le moindre degré d'utilité publique.Eh quoi la signature d'un officier public confirmée encore par celle d'un commis ? D'ailleurs si la signature d'un contrôleur est si nécessaire pour assurer l'authenticité d'un acte, comment peut il se faire qu'on ait élula loi au point de confier l'exercice du contle à plus de quatre ou cinq cents notaires de campagne ? Auront ils donc ceux-ci, en vertu de leur commission, le singulier privilège de certifier eux-mêmes leur propre signature ?

Le contrôle des actes des notaires procure encore un autre genre de malheur pour la socté, c'est que beaucoup de gens aiment mieux renoncer à l'authenticité réelle d'un acte passé devant le notaire que de s'exposer à l'acheter à un si haut prix. De là combien d'actes mal dictés entre particuliers ! Combien même d'actes mal rédigés par les notaires; qui, pour épargner des frais aux contractants, n'osent s'expliquer suffisamment ! Et de quelle source intarissable de procès,et quelle source de malheur par conséquent pour la société !

Mais le plus grand mal de tous ceux qui dérivent en foule dcet impôt,c'est. qu'il viole le secret des conventions, secret jugé dans tous les temps si essentiel à l’ordre public que les ordonnances en ont fait une des premières obligations des notaires, secret en effet souvent si important que de lui dépendent quelquefois lu fortune ou la putation d'un citoyen.

Tant de terribles inconnients réunis sur un même chef réclament donc le plus prompt anéantissement de cet impôt et de l'acte qui l'occasionne.

La fabrique des cuirs , cette branche du commerce national, si florissante en 1759, époque de la régie
est aujourd'hui entrement ou presqu'entrement détruite par la force de l'impôt et encore plus par la rigueur extrême avec laquelle il es levé.Le plus grand nombre des fabricants, sages sur leurs propres intérêts,se voyant continuellement harcelés par les commis, ont mieux aimé quitter leur état que d'exposer leur fortune. De là la décadence des tanneries dans le royaume, décadence dont le tableau est effrayant.

En 1759. on comptait dans le royaume 578 tanneurs,et en 1775, on n'en comptait déplus que 162 et combien ce nombre n'est-il pas encore diminué depuis cette époque ! Combien par conséquent cette diminution de fabriques, ne doit-elle pas influer sur nous par l'augmentation des cuirs

Au surplus, nous ne pouvons mieux pour la Légitimité de nos plaintes, qu'en empruntant, pour terminer cet article, les paroles du parlement de Grenoble qui en 1765 et en 1776 suppliait le Roi « de vouloir bien faire cesser un impôt aussi onéreux à ses peuples, dont les frais de régie consomment près des deux tiers de ce qui se perçoit, un impôt qui porte le plus grand préjudice au commerce et aux fabriques, qui oblige les ouvriers à s'émigrer, qui donne un si grand avantage à l'étranger qu'on lui porte nos matières premières et que ses manufactures s'accroissent,tandis que les nôtres dépérissent et se détruisent »

Il reste une infinité d'autres impôts, sur lesquels nous ne manquerions pas d'être fondés à faire nos plaintes et doléances respectueuses, si nous avions le temps de rentrer dans le détail.

De tout ce que nous venons de dire que résulte t il sinon la démonstration la plus évidente que tous les impôts, l'un dans l'autre, coûtent le double pour avoir le simple, et qu'ils sont encore bien plus onéreux par l'anéantissement qu'ils opèrent des richesses nationales que par les sommes exorbitantes qu'ils lèvent ?

Pour achever la preuve de conviction, nous ajoutons ici le résumé du calcul qu'en fait l'économiste déjà cité d'après lequel nous parlons.

1° La dépense effective des fermes, dit il coûte 371 millions
La perte en anéantissement de valeur  et de production occasionnée par les fermes 
équivaut à 500 millions.

Total 871 millions Sur lesquels le Roi perçoit seulement ..... 184 millions

Reste donc qu'il en coûte à la nation ,tant en dépenses qu'en pertes résultantes des fermes générales 647 millions