Charsonville : "le Grand et le Petit Villemain"
Modifié le : 01/07/2024 12:10
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Préambule
Autrefois (avant le 19ème siècle), dans le hameau de Villemain, situé au nord de la commune de Charsonville, il existait deux fermes appelées « Le Grand et le Petit Villemain » ou « la Grande et la Petite Métairie de Villemain ». Ces deux fermes appartenaient à la Seigneurie de Villemain et au seigneur de Charsonville. Aujourd’hui, la ferme appelée le « Grand Villemain » existe encore mais elle a perdu son ancien nom. Cette grande ferme (11 rue de Villemain) appartient maintenant à la famille Pointeau. La ferme du « Petit Villemain » n’existe plus et je ne connais pas la date de sa disparition. Elle était située en face de celle du « Grand Villemain ».
L’objet de ce document est d’abord de recenser les propriétaires ainsi que quelques exploitants, du 17ème siècle jusqu’à aujourd’hui, de la plus grande ferme du hameau de Villemain ainsi que de dresser une liste des bâtiments qui la composaient au 17ème siècle. Ensuite, son but est de réaliser une description très sommaire de l’ancienne ferme du « Petit Villemain ».
Le nom de Villemain apparaît vers 1140 dans le Cartulaire de Notre Dame de Beaugency et signifierait « au domaine situé à égale distance de deux autres villae ».
La ferme du Grand Villemain
Eléments constitutifs de la ferme au 17 ème siècle
A l’aide des nombreux « baux à ferme », retrouvés dans les Archives Départementales du Loiret, il a été possible de réaliser la liste réelle des bâtiments de la ferme du « Grand Villemain » qui existaient au 17ème siècle. Le « bail à ferme » était un contrat de location des bâtiments agricoles de la ferme et d’exploitation de l’ensemble des terres entre un propriétaire et un laboureur. A l’entrée en jouissance, le notaire seigneurial de Charsonville dressait un inventaire des bâtiments de la ferme et des quantités des terres.
La métairie du « Grand Villemain » formait un quadrilatère d’environ 40m de côté, clos de « murailles » et de bâtiments, ouvert côté rue, d’une grande porte charretière et d’une petite porte à côté (comme encore aujourd’hui, voir photo ci-dessous).
Passé cette grande porte, sur la droite, un long bâtiment bordait la cour. Il était composé en premier de la demeure des fermiers, appelée « maison à demeurer », avec planchers. L’habitation possédait une cheminée.
Dans le prolongement de l’habitation, un fournil, dans lequel il y avait un four pour cuire le pain. Ce fournil possédait une cave. En général les domestiques mangeaient dans le fournil. Enfin une écurie, à l’extrémité du bâtiment, dans laquelle il y avait une petite volière à pigeons « non peuplée » au moment des baux. Les combles, de ce long bâtiment, étaient aménagés en grenier. Après avoir payé les droits seigneuriaux « accoutumés » (champart…) et les autres impôts de cette époque (dîme…), le reste du blé était consommé dans la ferme ou utilisé pour les semailles. L'avoine était consommée sur place pour les chevaux.
En attendant sa consommation (confection de pains) ou les semailles, les grains de « bled » étaient placés dans le grenier, au-dessus de l'habitation du maître, à l’abri des voleurs. Pour rappel, en 1850 deux vagabonds volèrent des sacs de blé dans le grenier de cette ferme. Le grenier était généralement divisé en deux parties ; le grenier à blé et le grenier à avoine.
Autour de cette grande cour, deux grandes granges avec toits couverts de tuiles étaient là pour abriter une partie de la paille et pour battre les « bleds » (voir photo ci-dessous).
Enfin, trois bâtiments couverts de chaumes, complétaient le corps de ferme ; une bergerie, un toit (ou têt) à vaches et un toit à porcs.
Il y avait, placée au centre de la grande cour une mare, entourée de muret. Par contre, fait rare, le puits « à eau » était situé (d’après les baux) en dehors de la cour ; dans « la rue commune ».
A côté de la cour, appartenant aussi à la ferme, il y avait un petit jardin, également entouré de murs (et non de murailles), dans lequel il y avait quelques arbres fruitiers.
La surface totale des terres de cette ferme représentait environ 13 à 15 muids (soit environ 95 hectares) réparties en 22 parcelles, cultivables en 3 saisons (Saison des guérets, saison des mars, saison des « bleds »). Les grains qu’on semait au mois de mars étaient les orges, les avoines, les sarrasins…
La location de la ferme, par le laboureur et sa femme, commençait le jour de la fête de Toussaint pour une durée de 6 à 9 ans. Selon les seigneurs, il pouvait y avoir un seul et unique laboureur pour exploiter les deux fermes du « Petit et Grand Villemain » ou bien deux laboureurs pour chacune des deux fermes. La plupart des laboureurs signaient le bail, ce qui démontre qu’ils savaient écrire et qu’ils avaient été à l’école de Charsonville (école obligatoire depuis 1698 dans chaque paroisse).
Il n’était pas mentionné dans les baux le bétail ni les outils agricoles de la ferme qui devaient, peut être, appartenir au laboureur. Le petit entretien des bâtiments était à la charge du laboureur, jusqu’à 30 sols par an en 1703 par exemple. On cultivait du froment et du méteil. Le bail signé était un bail « à titre de ferme, moisson de grains et argent ». En dehors des loyers en argent et en quantité de froment et méteil (« 8 muids de « bled » par an ; moitié froment et l’autre moitié méteil le tout mesure de Beaugency ») le laboureur avait également à fournir par an ; 6 chapons et 2 oies grasses au seigneur de Charsonville en 1703. Tous ces loyers étaient bien évidemment variables en fonction des époques économiques et des différents seigneurs de Charsonville (…, de Croisilles, Martinet, Tassin).
Propriétaires et laboureurs (17 et 18 ème siècle)
Bail du 18 décembre 1679 entre Simon de Croisilles, seigneur de Charsonville, et Jean Imbault.
Bail du 5 juillet 1685 entre dame Catherine Perrochel, épouse de Simon de Croisilles seigneur de Charsonville, et Jean Imbault.
Bail du 18 février 1698 entre dame Catherine Perrochel, veuve de Simon de Croisilles seigneur de Charsonville, et Jean Guillon, laboureur et Jeanne Riby sa femme, mariés le 20/1/1687 à Epieds En Beauce. Jean Guillon est laboureur au « Grand Villemain » depuis 1691.
Bail du 10 mai 1703 entre dame Catherine Perrochel, veuve de Simon de Croisilles seigneur de Charsonville, et Jean Guillon, laboureur à Villemain et Jeanne Riby sa femme.
Bail du 3 novembre 1710 entre Marie de Croisilles, dame de Charsonville, et Marin Thauvin laboureur et Martine Tirant sa femme, mariés à Baccon le 25/11/1692.
Bail du 25 janvier 1727 entre Louis Béraud de La Haye de Riou (1677 - 1754), époux en 1723 de Anne Helvétuis veuve d’ Adrien Martinet seigneur de Charsonville, et Marin Thauvin (décédé en 1736 à 64 ans), laboureur et Martine Tirant (ou Tyran) sa femme.
2 décembre 1746 : Jeanne Bourreau veuve de Sigismond Auvray. Mariés le 20/2/1708 à Charsonville.
Bail du 27 septembre 1747 entre Jean Adrien Martinet, Seigneur de Charsonville, et Pierre Poullin, laboureur et Marie Dousset sa femme. Pierre Poullin (ou Poulain) né à Baccon (fils de Toussaint Poulain et Jeanne Mondamer), marié à Marie Dousset (fille de François Dousset et de Jeanne Moret) le 19/11/1743 à Charsonville.
Bail du 25 novembre 1765, pour les deux fermes (Petit et Grand Villemain), entre Jean Adrien Martinet et Pierre Dabout, laboureur et Françoise Nouvellon sa femme.
Bail du 23 Décembre 1773, pour 9 années, entre Jean Adrien Martinet et Pierre Dabout et Françoise Nouvelon sa femme.
Bail du 31 juillet 1781, pour les deux fermes (Petit et Grand Villemain), entre Charles François Tassin, Seigneur de Charsonville et Pierre Dabout, laboureur et Françoise Nouvellon sa femme.
Propriétaires du 19 au 21 ème siècle
La famille Dabout (Pierre, François, Charles…) fut propriétaire de la ferme durant presque tout le 19 ème.
En 1857, Charles Dabout (décédé en 1883) et sa femme (Appoline Blondeau), possédaient une ferme composée d’une étable peu importante. Elle abritait un taureau et huit vaches pour la production du lait, du beurre et du fromage, qui étaient consommés dans la ferme. Le sol de Beauce était trop sec pour l'élevage du gros bétail.
Dabout élevait également six porcs pour la nourriture du personnel. Il possédait aussi, dans sa bergerie, 4 béliers, 514 brebis et agneaux. L’élevage du mouton s’intensifia au 19ème siècle en Beauce car notre région avait un sol perméable, propre à l'élevage du mouton et grâce à l’introduction du mérinos qui amena la transformation des troupeaux. Par exemple, il y avait en 1857 sur la commune de Charsonville ; 700 béliers et moutons et 3500 brebis et agneaux. L’élevage du mouton en Beauce à cette époque était une source de profits (fabrique de laine et de viande). D’où le nombre important, au 19ème siècle à Charsonville, de tisserands. L’été les moutons vivaient en plein air dans le parc gardés par un berger. En hiver les moutons regagnaient la bergerie. Après les granges, c’était les bergeries qui occupaient le plus d'espace.
La force utilisée pour la culture était dans l'écurie de Dabout ou se trouvait 5 chevaux et 2 poulains ou pouliches de 3 ans et moins). On élevait le poulain en Beauce puis on le revendait vers l’age de 5 ans dans le Perche (par exemple) quand il atteignait son maximum de valeur. Par ailleurs, l’écurie remplissait une autre fonction car on pouvait y faire coucher les domestiques.
Au 19ème siècle, deux propriétaires du « Grand Villemain » occupèrent la fonction de maire de Charsonville ; Dabout-Gaulier et Dabout-Blondeau.
Puis vers la fin du 19ème siècle (en 1888), pour une raison inconnue, la famille Dabout-Dallais fut obligée de vendre aux enchères un cheval, 5 vaches, un cabriolet, des voitures, des charrues, des herses, des harnais, des coupe-racines et autres objets de culture.
A la fin du 19ème siècle et au début du 20 ème siècle il y a eu probablement la famille Venot (non vérifiée), puis la famille Pointeau, vers 1930, qui est toujours propriétaire de la ferme aujourd’hui.
Le premier « Pointeau » fut Henri Désiré Pointeau né le 27/8/1877 à Ramoulu (Loiret), qui était auparavant propriétaire du Grand Meslon avant de devenir propriétaire de la grande ferme de Villemain. Puis son fils, Marcel Pointeau né le 20/3/1908 à Charsonville au Grand Meslon, époux de Simone Marmasse née en 1912 à Thiville (28) pris la relève de son père….
La ferme du Petit Villemain
Pour exemple :
- En 1712, le laboureur se nommait Marin Boucher marié à Marie Champenois. Ils demeuraient à Mauvelle, « paroisse » d’Ouzouer Le Marché.
- En 1740, le laboureur se nommait Marin Thauvin (fils de Marin Thauvin et de Martine Tirant) marié à Jeanne Dousset.
- En 1749, le laboureur se nommait Simon Poullin marié à Madeleine Nouvellon. Ils demeuraient à Villorceau.
Le Petit Villemain comprenait au 18 ème siècle ; chambre et maison « à demeurer », cave dessous, grenier dessus, toit à vaches, fournil, poulailler, deux petites volières à pigeons, une grande grange, le tout couvert de tuiles.
Au pignon de la grange il y avait deux bergeries couvertes de chaume. La ferme possédait une cour close de « murailles » avec une grande porte charretière. Dans la cour il y avait un puits « à eau » et une mare. A côté de la ferme, les locataires cultivaient un jardin clos de murs.
Les terres labourables représentaient environ 30 parcelles, situées autour de la ferme, d’une surface totale d’environ 60 à 70 hectares.
Sources :
- Archives Départementales du Loiret (archives des notaires, recensement population…)
- Archive privée (plan de Charsonville de 1670)
- Le Loiret Généalogique
- Géoportail
- Jacques Soyer – Recherches sur l’origine et la formation des noms de lieux du département du Loiret (1937).
- Gallica