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La Sécheresse désastreuse de 1785: prélude au phénomène révolutionnaire de 1789

Auteur :  Créé le : 09/09/2017 18:33
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Au moment où le réchauffement de notre planète semble déboucher sur des désordres climatiques de plus en plus marqués, le signalement de cette sécheresse d'il t a 232 ans confirme le rôle du climat sur l'agriculture.

Pendant dix ans les paysans vont souffrir de la sécheresse. Et 1785 sera l’année la plus calamiteuse.

 

La lenteur de la traction animale rendait nos ancêtres encore plus dépendants des caprices du temps. Difficile pour eux de rattraper les retards accumulés à cause du mauvais temps.

La décennie qui a précédé 1789 s’illustre par des conditions météorologiques catastrophiques. Les étés sont très peu arrosés. A Angers, où il pleut ordinairement 145 à 150 jours par an, la décennie 1781 – 1791 ne compte que 72 jours annuels de pluie en moyenne dont 40 jours en 1784 et 29 en 1785.

Toute la moitié nord de la France connaît des étés semblables. La récolte de foin est désastreuse en juin 1784, à cause des gelées tardives. L’hiver qui suit épuise les réserves de nourriture. En avril 1785, les paysans ne peuvent toujours pas sortir leurs bêtes. Dès le mois de mars, la sécheresse s’abat sur toutes les régions situées au nord d’une ligne La Rochelle-Genève.

En Bretagne, à part quelques orages en juin, il ne pleut pas de mars à septembre. Les céréales de printemps ne lèvent pas.

Les intendants des provinces communiquent leurs observations préoccupantes au souverain. Le 17 mai, un arrêt du Conseil du roi ordonne la distribution gratuite de graines de raves pour semer sur les jachères, et autorise la pâture des animaux dans les bois domaniaux et dans ceux des communautés religieuses.

Dans le même temps, les droits de douane sur l’entrée des fourrages étrangers sont suspendus et du foin est acheminé de Hollande. En juin 1785, la récolte de foin est à peu près nulle, toutes les prairies sont brûlées jusqu’à la racine. Le débit des fontaines a baissé, la hauteur d’eau dans les puits également. Le pire s’annonce. Partout le prix du foin augmente : il double en Bourgogne, il triple à Caen. Le Languedoc n’est pas épargné avec une hausse de 60 %. Les paysans s’ingénient pour sauver leurs bêtes. Dans la région de Vitteaux, en Bourgogne, certains découvrent des maisons inhabitées et les granges pour essayer de nourrir les bovins. D’autres vident les paillasses, cueillent le gui, le lierre, les feuilles de saule et de frêne. A Marsannay (Côte-d’Or) les éleveurs cueillent les feuilles de vigne pour les moutons, à Aigny, ils coupent les fanes de pommes de terre. Partout, les joncs dans les rivières presque à sec sont coupés pour servir de litière.

De nombreux propriétaires sont contraints de vendre leurs bestiaux à vil prix. Les épizooties se développent et beaucoup de villages perdent les deux tiers de leurs bœufs, la moitié de leurs moutons.

 

Dix ans pour reconstituer le cheptel

Tout cela ne laisse présager rien de bon pour l’hiver suivant. L’évêque d’Angers décrit en termes brefs mais éloquents les difficultés à venir : « Point de bestiaux, point de labourage, point de fumier, point de récolte. »

Seule nouvelle plus favorable : la récolte des blés l’hiver, très menacée, se révèle moins désastreuse que prévu, grâce aux pluies orageuses de juin. En revanche, les céréales de printemps ne donnent rien et, chose inouïe, l’avoine se vend plus cher que le froment.

En Bretagne, particulièrement touchée, les fermiers qui n’ont pas récolté de quoi semer l’automne suivant, renvoient leurs ouvriers gagés. Il n’y a plus de vaches, donc il n’y a plus de beurre. Or, c’est le beurre qui permet de régler les baux. Et puis, comment ceux qui ont encore des bêtes peuvent-ils acheter du foin quand, dans la région d’Ancenis, le millier de bottes passe de 18 à 150 livres ? Il faudra dix ans pour reconstituer le cheptel bovin.

La sécheresse affecte aussi le commerce, les rivières ont baissé et les bateaux ne peuvent plus circuler. Le réseau de la Seine est très touché en amont de Paris. Le Morvan ne peut plus envoyer ses trains de bois flotté, la capitale est à deux doigts de manquer de combustible. Comment cuire les aliments ? Comment chauffer les maisons en hiver ? Les stocks ne couvrent plus qu’un mois et demi de consommation.

Heureusement, fin août, la pluie revient en force. Elle sauve, en partie du moins, une vendange qui semblait elle aussi compromise.

L’automne, humide, atténuera une partie des dégâts causés par une sécheresse de près de six mois.