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Le Tiers Etat du bailliage d'Orléans s'est réuni le 7 mars 1789: Témoignage d'un Chapellois

Auteur : Poulot  Créé le : 04/12/2013 10:22
Modifié le : 04/12/2013 22:14

La réunion du Tiers Etat du bailliage d'Orléans vu par un Chapellois

Ce témoignage a été recherché et mis en forme par JeanClaude DUMORT historien de Chaingy

 

Fiacre Mothiron, greffier de l’assemblée municipale de la paroisse de La Chapelle-Saint-Mesmin a été élu député de cette paroisse pour les Etats généraux. Il a donné, dans le registre municipal de La Chapelle, des informations sur les réunions qui se sont tenues à Orléans pour la rédaction des cahiers de doléances du bailliage d’Orléans et des bailliages secondaires. Pour comprendre ce qui suit, il convient de se rappeler que des cahiers de doléances des paroisses étaient synthétisés au niveau des bailliages principaux, ce qui fait qu’au bailliage principal d’Orléans, auquel Chaingy appartenait, étaient associés les bailliages secondaires de Beaugency, Boiscommun, Neuville-aux-Bois, Vitry-aux-Loges et Yèvre-le-Chatel. La relation de Fiacre Mothiron, à laquelle nous nous tiendrons, peut être complétée en consultant l’ouvrage de Christian Poitou.i Pour l’essentiel nous citerons Mothiron dont nous avons rectifié l’orthographe très incertaine.

 

« Assemblée rompue. L’assemblée générale du grand bailliage à Orléans, le 7 mars 1789, pour nommer des commissaires pour rédiger les cahiers a été rompue par le lieutenant général le 8, jour suivant, sous de vains prétextes, rapprouvés. Donc les avocats et conseillers, députés de la ville pour concourir à la [convocation] de députés pour les Etats généraux, informés de ces faux prétextes on fait sonner les cloches et tambours de la ville pour rassembler tous les députés des municipalités. Mais peine inutile, parce que la plus grande partie des députés de la campagne étaient écartés de deux lieues. Ces bons magistrats ont fait une assemblée pour délibérer sur cette affaire importante afin de faire un placet au ministre, afin de savoir si des juges pouvaient rompre une assemblée faite de l’ordre du roi. Il a été nommé des députés qui sont partis aussitôt après l’assemblée par la poste»ii

« Le lundi 16 mars l’assemblée du grand bailliage et bailliages secondaires se sont réunis avec le clergé la noblesse et le Tiers Etat dans l’église des Jacobins où le grand bailli a commencé à présider, le clergé placé à droite, la noblesse à gauche et le Tiers Etat en face. Après l’enregistrement du clergé et de la noblesse ou de leur représentant, dont lecture a été faite en présence des trois corps d’Etat, les trois Etats se sont séparés, le clergé pour se trouver le 17 dans la salle de l’évêché à neuf heures, la noblesse le même jour 17 dans la salle du Châtelet d’Orléans. Le Tiers Etat est resté pour nommer le restant des commissaires pour la rédaction des cahiers, au nombre de vingt. »

« Le mardi 17, l’assemblée s’est réunie dans la salle du Collège pour nommer le quart des députés de tout le bailliage d’Orléans, au nombre de 107. Après quoi chacun s’est retiré pendant le délai de deux jours tandis que les commissaires ont rédigé les cahiers. »

« Le 18 mars l’assemblée s’est réunie pour entendre la lecture du cahier général du bailliage d’Orléans. Après quoi chacun s’est retiré. »

« Le samedi 21mars, réunion à huit heures avec les députés du [illisible] des bailliages secondaires qui ont présenté leurs cahiers. Puis on a nommé des commissaires de chaque bailliage pour la rédaction du cahier général du grand bailliage et des bailliages secondaires. »

« Le 24 mars, le quart du Tiers Etats, tant du grand bailliage que des bailliages secondaires, se sont réunis dans la salle du Collège pour entendre la lecture du cahier général. »

« Le mercredi 25 mars, jour de Notre Dame, il a été célébré une messe du Saint-Esprit à 9 heures du matin, dans l’église des Récollets avant de procéder au scrutin à deux heures de l’après midi. Nomination des trois plus âgés comme scrutateurs. Ils ont déployé les bulletins et nommé à haute voix [le nom inscrit] dessus chaque billet ; transcrit les voix pour ». Il s’agit de la nomination des scrutateurs pour l’élection des députés aux Etats Généraux de Versailles, élection qui a eu lieu le lendemain.

« Le jeudi 26 mars, à sept heures du matin en présence du lieutenant général, du procureur du roi, du greffier du bailliage, des quatre huissiers audienciers. Ainsi qu’il [en] avait été à toutes les assemblées, demeure une compagnie d’archet pour garder les portes et pour éviter toute contestation ». Pour être élu il faut « avoir de suffrage, d’une voix passant de la moitié de l’assemblée », « manque d’une voix il fallait recommencer après avoir fait brûler les billets déposés avant de recommencer, dont il arrivait souvent qu’il fallait recommencer ». Sont élus Guillaume Salomon de la Saugerie, avocat au bailliage d’Orléans, Louis Jean Pèlerin de la Buxière, ancien médecin demeurant à Boiscommun, Jofrier marchand négociant à Orléans et administrateur de l’hôpital général d’Orléans, Delahaye de Monmirail dans le Perche, du bailliage secondaire de Janville-au-sel. iii

 

Le 27 mars, à 8 heures du matin, les élections se poursuivent. Sont élus : Henry de Longuève avocat du roi du bailliage d’Orléans, Defay-Boutrou marchand négociant à Orléans. Il est absent de la séance et on lui désigne un éventuel suppléant, Auxy-Miron, lieutenant général de police d’Orléans, demeurant place du Martroi. Les règlements royaux indiquaient qu’il fallait aussi élire des suppléants « pour suppléer au défaut de ceux qui étaient élus, soit pour cause de mort soit pour autre empêchement légitime ». Les avis divergent quant au nombre des suppléants. Six sont-ils nécessaire ou trois sont ils suffisants ? On vote et la majorité se prononce sur trois. On «  a procédé … au scrutin avec autant de cérémonie que [pour] les six premiers ». Fiacre Mothiron donne la liste des suppléants : Marie Joseph de Meulle, grand maître des Eaux et Forêts du bailliage de Beaugency, Etienne Joly de la Grainetière du bailliage secondaire de Janville, Denis Robert de Massy avocat, docteur-régent de l’Université d’Orléans. Le Tiers Etat a fini toutes ces opérations le 27 à neuf heures du soir. Le procès verbal n’a pas été signé car la noblesse et le clergé n’ont pas fini leurs opérations. 

 « Tandis le cour de ces assemblées à Orléans, chaque corps s’est rendu visite et fait un compliment. Le Tiers Etat a député quatre personnes, tant du grand bailliage que des bailliages secondaires, pour saluer la noblesse à leur assemblée et le clergé également à leur assemblée La noblesse nous a rendu la même cérémonie avec un compliment honnête, promettant que leur sentiment s’accorde avec le notre. Le clergé nous a fait sa visite à son tour et nous a fait un compliment, qui avait plus d’air de prédication que d’un compliment, ce qui n’a pas beaucoup contenté nos [illisible] »iv.

Le 4 mars a lieu la signature du procès-verbal de l’élection par la plupart des députés de l’assemblée et par les magistrats de la ville d’Orléans.

iPoitou Ch., Cahiers de doléances. Loiret. 1989, Tours, Denis Janson éditeur. Volume 1. Pages 22 à 26.

ii Poitou (ouvr. cité), page 22 donne les causes de cette interruption de séance.

iii Nous avons repris l’orthographe des noms des députés dans Poitou (ouvr. cité). Pour les titres et fonctions, nous avons restitué la source la plus complète. Pour Poitou le troisième élu est Liphart-Julien Lefort et non pas « Jofrier ». Par contre, Poitou indique que Miron est un des quatre suppléants alors que Mothiron indique clairement qu’il est l’éventuel remplaçant de Defay. Il est absent lors de son élection, qu’il peut sans doute refuser.

iv Poitou (ouvr. cité), page 26, rapporte un autre incident entre les représentant du clergé et ceux du Tiers Etat. Lors de l’ultime séance, tenue en l’église des Jacobins, les députés du Tiers Etat sont placés non pas en face du président mais dans un renfoncement derrière les députés du clergé. Après les discours officiels un membre du Tiers demande et obtient la parole. Comme aucun des ecclésiastiques ne se retourne pour l’écouter il les apostrophe vivement déclarant que « le clergé tournait le c… au Tiers Etat sans réfléchir que le temps n’est pas éloigné où il viendra baiser le nôtre ». Ni Mothiron ni Poitou ne signalent d’incident entre le Tiers et la noblesse.