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Les Cahiers de doléances de Chaingy, La Chapelle Saint Mesmin et Saint jean de la Ruelle

Auteur : Poulot  Créé le : 04/12/2013 10:53
Modifié le : 04/12/2013 22:08

Avertissement: Il est inutile de donner le texte des cahiers de doléances des trois paroisses, car ils ont été récemment reproduits dans l’ouvrage Cahiers de doléances du Loiret, édité sous la direction de Christian Poitoui. Il est, par contre, intéressant d’en faire une étude comparative.

Jean-Claude DUMORT Historien de Chaingy

Rappelons d’abord que les cahiers de doléances ont été établis sous la responsabilité d’un magistrat du baillage seigneurial, juridiction de base de la paroisse, qui présidait l’assemblée des paroissiens. Pour Chaingy et La Chapelle la justice de base était celle de l’abbaye royale de Saint-Mesmin de Micy et la présidence de l’assemblée fut assurée par Sylvain Dubois, procureur fiscal de l’abbaye de Saint-Mesmin de Micyii. Il était assisté de Benoît François Priand(y)iii, greffier de cette justice.

Dans l’ouvrage de Ch. Poitou, les cahiers de Chaingy et de Saint-Jean-de-la-Ruelle sont repris d’un ouvrage antérieur de Bloch iv. En effet les originaux, conservés aux archives départementales ont brûlé suite aux bombardements de juin 1940. Pour La Chapelle-Saint-Mesmin, Ch. Poitou a reproduit une copie du cahier, figurant dans le registre de l’assemblée municipale, où nous l’avons retrouvé. Ce texte est très différent dans la forme de celui reproduit dans l’ouvrage de C. Bloch, le fond étant par ailleurs identique.

Les cahiers de Chaingy et de La Chapelle ont le même rédacteur, Benoit-François Priand(y). De par ses fonctions, celui-ci ne pouvait guère avoir un français et une orthographe trop médiocres. Nous connaissons la qualité exécrable du français et de l’orthographe de Fiacre Mothiron, le greffier de l’administration de La Chapelle. Mais il paraît difficilement crédible que celui-ci ait intégré autant de fautes d’orthographe et surtout de français dans la copie d’un texte. Voici une petite énigme que la destruction des originaux en 1940 laissera sans doute sans solution.

Si les deux cahiers de Chaingy et de La Chapelle sont très différents dans la forme, leurs fonds sont très voisins. Il n’y a rien d’étonnant à cela car les deux assemblées de paroissiens ont eu le même président. Nous savons que ces présidents, beaucoup plus instruits et au fait des choses que les paroissiens ruraux assemblés, ont joué un rôle important de proposition. Entendons-nous bien : il est peu probable que, dans les circonstances difficiles de 1789, un président ait imposé quoi que ce soit contre l’avis de l’assemblée. Mais il est certain que, en mettant de l’ordre dans les suggestions des gens et en proposant une rédaction, il a pu grandement imprimer sa marque au cahier dont il était le greffier.

Il est remarquable que ces deux cahiers ne se contentent pas de récriminer contre l’existant, mais proposent des solutions de remplacement sur deux points. Dans le domaine de la fiscalité d’Etat, ils proposent de remplacer le système complexe et inégal existant par un impôt unique payé par tous. En second, pour accroître le revenu des curés, des vicaires, des enseignants et pour mieux secourir les pauvres, ils proposent de retirer ses biens au clergé régulier. A ce propos on relèvera que le clergé régulier n’était pas populaire dans les campagnes et sa spoliation, intervenue deux ans plus tard, n’a pas dû faire scandale. Par contre nos ruraux n’ont pas dû apprécier que la vente des biens nationaux serve à renflouer les caisses de l’Etat et non à améliorer leur vie de tous les jours et qu’elle soit étendue aux biens du clergé séculier.

Voyons dans le détail ce qui devrait changer pour les Cambiens et les Chapellois, dans différents domaines.

Fiscalité d’Etat 

Elle devrait être simplifiée et rendue plus juste. Les nombreux impôts directs ainsi que la gabelle et l’impôt sur le tabac devraient être supprimés et remplacés par un impôt unique qui frapperait les trois ordres. Cet impôt serait assis sur la propriété pour les propriétaires et cédulaire, assis sur le revenu, pour les autres assujettis.

 

Fiscalité seigneuriale

Elle devrait être allégée. Notons que les Cambiens qualifient l’impôt qu’ils versent à l’abbé de Saint Mesmin de « dîme », mais il s’agit bien d’un impôt seigneurial.

Biens du Clergé régulier

 

Ils devraient leur être enlevés, les revenus servant à améliorer le sort des curés, des enseignants et des pauvres.

 

Démocratie et justice

-Les Etats provinciaux devraient se tenir régulièrement (Chaingy seulement) ;

-Les Etats généraux devraient revenir périodiquement et décider des impôts (Chaingy seulement) ;

-L’administration municipale devrait être « établie »v et ses pouvoirs de police augmentés ;

-Il conviendrait de réduire le nombre des juges -on dirait en français moderne de juridiction- et de simplifier la procédure.

 

Milice (service militaire)

Que le tirage au sort forcé soit supprimé (Chaingy seulement. Sur ce point la Révolution a bien dû décevoir les Cambiens).

 

Vie locale : 

-Que les revenus du curé et des vicaires soient augmentés ;

-Que les revenus des enseignants soient également augmentés. (Chaingy seulement) ;

-Que l’aide aux pauvres bénéficie aussi du revenu des biens enlevés au clergé régulier ;

-Que les chemins vicinaux soient améliorés en utilisant les subsides consacrés aux ateliers de charité (Chaingy seulement qui, nous en parlerons dans un chapitre spécifique, avait un gros problème avec le chemin du bourg à Fourneaux).

 

Subsistances et vie économique :

-Que pour les céréales et autres subsistances on empêche les ententes et le stockage qui contribuent à augmenter les prix (Chaingy) ;

-Que l’on surveille mieux les marchés (La Chapelle ; en fait il est probable que c’est, sous une autre formulation la même requête que celle de Chaingy ci-dessus) ;

-Que le commerce soit interdit à la noblesse et au clergé (La Chapelle) ;

-Que la surveillance des faillites soit renforcée (La Chapelle).

 

Mesures spécifiques sur le vin, ressource essentielle de nos deux paroisses :

-Que l’on supprime les taxes qui les frappent (les aides qui étaient un impôt sur les transports d’alcool) et l’octroi de Paris (Chaingy).

-Qu’on limite les plantations de vignoble (La Chapelle).

 

Pour ce qui doit demeurer en l’état il s’agit de :

La forme de gouvernement monarchique. Chaingy se montre particulièrement éloquent sur le sujet : « Le premier des vœux […] c’est la conservation des lois constitutives de la monarchie, qui assurent au souverain le droit incontestable de commander et imposent aux sujets l’heureuse obligation de l’obéissance et de la fidélité ».

La religion catholique qui doit conserver sa prééminence. Les habitants de Chaingy, en particulier, sont opposés à toute tolérance pour les non catholiques. Que leur avaient donc fait les quelques protestants qui subsistaient à Fourneaux ?

En fin la noblesse doit perdurer, mais il convient qu’elle retrouve sa générosité, en participant plus aux finances de la nation et en retrouvant totalement son rôle militaire.

 

Le cahier de doléances de Saint-Jean-de-la-Ruelle est plus succinct. Il ne propose aucune solution alternative. Il se contente de demander la réduction des impôts et taxes d’Etat et seigneuriales. Il est muet sur les autres sujets, sauf sur le revenu de leur curé que les Stoléruans souhaitent voir augmenter. Il aborde un sujet qui lui est propre car c’est la seule des trois paroisses à appartenir à la banlieue1 d’Orléans. De ce fait ils se plaignent :

-D’être assujettis à la fois aux corvées de la banlieue d’Orléans et aux corvées de la route du Mans ;

-D’ « être assujettis aux droits de maîtrise de la ville d’Orléans empêchant [sans doute rendant trop onéreux] d’être tailleur et de tenir boutique ».

1 La banlieue est alors la zone, d’une largeur en principe d’une lieue, où celui qui exerce l’autorité sur la ville, ici concrètement l’évêque d’Orléans, l’exerce aussi sur cette zone. Une grande partie des obligations de la ville s’appliquait aux banlieues.

i Tours, 1989, Denis Jeanson éditeur. Le cahier de Chaingy se trouve dans le tome I, pages 412 à 419, celui de La Chapelle-Saint-Mesmin dans le même tome pages 424 à 429 et celui de Saint-Jean-de-la-Ruelle dans le tome III, pages 265 à 286.

ii Il présidait « pour [en] l’absence de Denis Robert de Massy, conseiller du roi, docteur régent et professeur de droit français en l’Université d’Orléans, avocat en parlement, aux bailliage et siège présidial d’Orléans, bailli de la justice et châtellenie dépendante de l’abbaye royale de Saint-Mesmin de Micy les Orléans ». On présume que ce haut personnage avait autre chose à faire que de présider des assemblées de vilains !

iii Orthographié Priand à La Chapelle et Priandy à Chaingy.

iv Bloch C, Cahiers de doléances du baillage d’Orléans pour les Etats généraux de 1789 ; 2vol, Orléans, Imp. orléanaise, 1906.

vFormulation bizarre puisqu’elle existe depuis fin 1787.