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Les Champarts contestés à Sougy et Terminiers

Auteur :  Créé le : 23/12/2018 14:30
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Note: LBE reproduit ci-dessous un document extrait des Archives départementales du Loiret ( cote 2Mi-472), par Jean-Claude DOLIVET, historien local passionné de Sougy.

Le Champart était une redevance féodale constituée par une quote-part assez élevée (1/6 à 1/11), exeptionnellement (1/5 à 1/4), prélevée par le Seigneur ou le propriètaire, sur la récolte.

Le présent document date de 1737

 

MÉMOIRE SIGNIFIÉ

 

POUR les Doyen, Chanoines & Chapitres de l’Eglise de Sainte-Croix d’Orléans, Intimez, Défendeurs & Demandeurs.

 

CONTRE Jacques le Comte, Jean Sallé, Jean Sevin, Louis Massot, & autres Habitants de la Paroisse de Sougis en Beauce, Appelants, Demandeurs et Défenseurs.

ET Abel Pinsart, Sébastien et Barthélémy Cassegrain & Consors, Habitants de la Paroisse de Terminiers, Intervenans.

ET encore contre la Communauté des Habitants de Sougis, Appelants, Demandeurs et Défenseurs.

 

Le Chapitre de Sainte Croix d’Orléans est en droit de lever un champart dans la paroisse de Sougis ; ce droit est-il général & universel sur toutes les terres en roture qui sont dans les limites de la Paroisse, comme le Chapitre le soutient ? ou bien est-ce un droit singulier pour l’établissement duquel il soit nécessaire que le Chapitre rapporte des titres particuliers contre ceux qu’il prétend y être assujettis ?

C’est l’unique point de la contestation qui se doit décider par les titres.

 

FAIT ET PROCÉDURE

Le Chapitre de Sainte Croix d’Orléans est Seigneur spirituel et temporel du Village de Sougis & de ses dépendances, cela n’est pas contesté ; comme Seigneur spirituel il a droit de lever la dîme à raison d’une gerbe par mine de terre (pour info 28 a 12 ca vers Bazoches-les-Hautes), nulle terre n’en est exempte ; comme Seigneur temporel il a droit de lever un champart, confondu avec la dîme, sur toutes les terres en roture ; ce droit se perçoit à raison de neuf gerbes une dans l’étendue de la Paroisse de Sougis ; & à raison de douze gerbes une sur le terroir de Boissay et Millouard qui en dépendent ; il n’y a que les terres tenues en Fief qui ne doivent point de champart, elles en sont exemptes par l’art. 142 de la Coutume d’Orléans, elles ne doivent que la dîme.

Ce droit de champart est le seul droit seigneurial dont le Chapitre jouisse sur les terres qui sont dans la Seigneurie de Sougis, & il est rare qu’un Seigneur rapporte d’un droit primitif si ancien, des titres si lumineux et si respectables, & qu’il y joigne une possession mieux établie & mieux suivie que celle du Chapitre.

Cette possession durait encore en 1734, lorsque les Habitants de Sougis, de concert avec quelques autres communautés voisines, ont jugé à propos de refuser, tous d’intelligence, la prestation du champart.

Le Chapitre s’est pourvu au Bailliage d’Orléans contre la Communauté de Sougis, & le 7 décembre 1734, il y a obtenu la première Sentence dont est appel, qui ordonne qu’au Principal les parties en viendront au premier jour, & cependant par provision condamne les Habitants de Sougis à payer au Chapitre le droit de champart en la manière accoutumée de tous les grains qu’ils avaient recueillis à la récolte 1734 sur toutes les terres par eux possédées, à savoir, dans l’étendue de la Paroisse de Sougis à raison de neuf gerbes une, & dans l’étendue du terroir de Boissay & Millouard, à raison de douze gerbes une ; on les condamne de faire conduire les gerbes provenantes du champart, dans la Grange champartresse de Sougis, & de voiturer à leurs frais, de la Grange champartresse, les grains battus & nettoyez, dans les greniers du Chapitre d’Orléans, conformément à la transaction de 1540, & à l’Arrêt d’homologation de cette transaction dont on parlera par la suite.

Ce n’est point la Communauté qui a d’abord interjeté appel de cette Sentence, quoiqu’elle eût été condamnée en nom collectif, elle s’est fait substituer par plusieurs Habitants de la Paroisse qui se sont pourvus contre la Sentence, & ils ont appelé à leur secours plusieurs Habitants de la Paroisse de Terminiers qui tiennent des terres dans la Paroisse de Sougis, & qui ont voulu prendre part à la contestation.

Le Chapitre est retourné depuis à Orléans, où la Communauté de Sougis n’avait point voulu comparaître, & le 26 Avril 1735, il a obtenu contre cette Communauté une Sentence qui lui adjuge définitivement ses conclusions ; ce sont encore les Habitants en nom singulier qui ont interjeté appel de cette Sentence.

Mais pour ne point perdre l ‘avantage d’un jugement définitif avec la Communauté, le Chapitre l’a mise en cause sur l’appel, elle a été obligée de paraître, elle a même interjeté appel des Sentences, en sorte que le Chapitre se voit en état de terminer entièrement une contestation très intéressante pour loi, puisque depuis quatre ans la Communauté de Sougis, celle de Terminiers & quelques autres lui refusent la prestation d’un champart considérable qui forme le gros des Chanoines, & qui sert au Chapitre à l’acquittement des portions congrues, à l’entretien des Eglises & au payement des décimes.

Le Chapitre qui sait que ce refus général n’est qu’une intrigue & un complot que la Cabale a formé, & que la plupart de ses adversaires ne sont que des fermiers qui exploitent le bien d’autrui, a mis en cause les propriétaires qui ont tous désavoué leurs Fermiers, & déclaré que loin de vouloir contester le droit de champart, ils avaient expressément chargé leurs Fermiers de l’acquitter, en sorte que l’on voit que c’est une querelle gratuite que la plupart des Habitants font au Chapitre.

La cour a même déjà été si convaincue du peu de fondement de la contestation des Habitants, que pendant le cours du Procès elle a par différents Arrêts ordonné le séquestre du droit de champart en général de toutes les terres en roture pour l’année 1736 ; ces Arrêts ont été rendus sur le vu des titres du Chapitre ; heureux présage pour le Chapitre qui peut se flatter de voir juger définitivement à son avantage ce que la Cour a décidé provisoirement.

 

Analyse des titres du Chapitre

 

La prétention du Chapitre est, que le droit de champart dont il jouit dans la Paroisse de Sougis et ses dépendances, est général et universel sur toutes les terres en roture renfermées dans les limites de la Paroisse, c’est aux titres et à la possession à justifier ce qu’il soutient ; celle des Habitants de Sougis au contraire, & de la Communauté, qui n’osent contester le droit, est qu’il n’y a que quelques portions de terre situées dans l’étendue de la Paroisse qui y soient sujettes, & ils offrent chacun à leur égard de le payer au fur & de la manière qu’il se trouvera établi par les titres que le Chapitre rapportera contre chaque Détempteur.

Le droit en lui-même, les charges qui accompagnent la prestation telles que de porter les gerbes dans la grange champartresse, & de voiturer ensuite les grains battus et nettoyés dans les greniers du Chapitre à Orléans, à proportion de ce chacun a fourni de gerbes pour le champart, ne sont pas contestés ; c’est un point bien important pour le Chapitre.

Cependant par les offres simulées des Habitants, & par le détour qui les accompagne, on parvient à refuser positivement le droit que l’on paraît offrir, puisqu’on ne veut le payer que sous la condition que le chapitre rapportera des titres qu’il avoue qu’il n’a pas , personne ne se détache pour dire qu’il est sujet au droit, parce qu’en effet le Chapitre n’a aucun titre particulier ; il n’y a point de milieu, ou le Chapitre n’a aucun droit de champart, ou celui qu’il a & dont il convient qu’il a toujours joui est universel ; le droit du Chapitre étant universel, il ne doit avoir que des titres généraux, & s’il prouve l’universalité de son droit par ses titres, on sentira aisément que les offres des Habitants sont dérisoires, & que le Chapitre n’a pas besoin de titres particuliers.

Entrons dans le détail de ces titres, on répondra en même temps aux objections des Habitants & de la Communauté qui y sont relatives.

 

Arrêt de 1397, & transaction de 1399

 

Le premier titre que le Chapitre rapporte pour justifier l’ancienneté de son droit et de sa possession, est un Arrêt contradictoire du 7 Septem. 1397, qui a prononcé sur une complainte entre le Chapitre, les Manants & Habitants de Sougis & quelques Particuliers en leurs noms personnels, au sujet de l’amenage des grains dans les greniers du Chapitre à Orléans ; après une Enquête qui prouvait déjà la possession reculée du Chapitre & l’injustice du refus qu’il essuyait, le Chapitre fut maintenu dans sa possession ; on voit dans cet Arrêt que le Chapitre soutenait sa possession, & qu’il l’avait sans doute prouvée par son Enquête sur tous habentes &t tenentes hareditagia & terras laborabiles in Villis feu Majoriis & Territoriis se Sougiaco & C. & qu’il ne donnait à son droit d’autres bornes que celles de la Paroisse, & l’on conçoit que la contestation ne s’étant élevée qu’au sujet de l’amenage des grains provenant du champart, le droit en lui-même ne faisait aucune difficulté.

La Communauté & les Particuliers contre qui l’Arrêt avait été rendu sur la complainte, voulurent poursuivre le fond ; après avoir plaidé en différentes Juridictions où la Communauté succomba, elle ouvrit les yeux & elle passa, aussi bien que les Communautés voisines, une transaction avec le Chapitre le 29 Septembre 1399, homologuée par Arrêt contradictoire du 4 Janvier de la même année, parce qu’alors l’année commençait par le mois de Mars.

Cette transaction est passée entre le Chapitre & la Communauté en nom collectif, Manentes, Habitantes & alios habentes, tenentes, laborantes feu laborare facientes fub Decano & Capitulo domos, majuras, terras & hereditagia in Villis, Majoriis, Territoriis & Parochiis de Sougis, & c. Les procurations des Communautés sont annexées à la transaction ; elles portent que les Habitants se sont assemblés par le congé du juge, par ajournements faits à leurs personnes d’Hôtel en Hôtel, issue de Messe Paroissiale, & par cris solennellement faits aux dits lieux, par l’un des Maires & Sergents du Chapitre, en présence d’un Notaire du Châtelet d’Orléans, qui a rédigé l’acte ; & que la plus grande & saine partie des Habitants, & autres, ayant terres & héritages ès Villes, Mairies, Territoires & Paroisses de Sougis, Terminiers et hameaux en dépendant, se sont trouvés à l’assemblée où les lettre de permission ont été lûes publiquement, & que tous unanimement ont constitué un Procureur pour faire les traités & accords suivant le modèle & cédule annexés à leurs procurations.

Par la transaction la Communauté se désiste de tous les procès qu’elle soutenait contre le Chapitre en différentes Juridictions ; elle reconnaît purement & simplement le champart sur toutes les terres de la Paroisse & pour toutes sortes de grains, & se soumet de mener à ses frais & dépens dans les greniers du Chapitre, à Orléans tous les grains battus & nettoyés qui proviendront du champart, à proportion de la quantité de gerbes que chaque Particulier aura conduit dans la Grange champartresse.

L’universalité du droit est bien marqué dans cette transaction, c’est la Communauté qui a voulu traiter ; ce sont les Habitants en général qui l’ont passée, toutes les expressions sont énergiques et écartent les équivoques ; & c’est sur la propre requête des Habitants en général, & sur les conclusions du Ministère public, qu’elle a été homologuée par l’Arrêt.

Que dit-on contre cet Arrêt & cette transaction, de la part des Habitants ?

On critique la forme dans laquelle ils ont été rapportés, ce ne sont, dit-on, que des copies collationnées sur une autre copie, mais les copies qui sont produites ont été collationnées, Parties appelées, et les Habitants ont une bonne ressource, s’ils veulent révoquer en doute la sincérité de ces pièces, ce sont des Arrêts de la cour, ils n’ont qu’à consulter les registres.

 

Au fond,

I°. L’Arrêt du 7 Septembre 1397, n’est rendu, dit-on, qu’avec des Particuliers au nombre de vingt-huit, nommés dans l’Arrêt, & n’est relatif qu’à ces Particuliers, qui possédaient des terres sujettes au champart.

Il n’est pas vrai que l’Arrêt soit rendu uniquement avec des Particuliers, il suffit de lire les qualités pour être convaincu du contraire : il dit, inter dilectos nostros Decanum & Capitulum Ecclesioe Aurelianensis … ex una parte ; & Manentes & Habitantes, ac Joannem de Beaugenciaco, etc. La Communauté était donc en cause sous le nom collectif des Manants & Habitants, & il y avait, avec la Communauté, des Particuliers qui procédaient en leurs noms personnels, qui se trouvent dénommés & séparés par la particule ac.

Quand l’Arrêt ne serait rendu qu’avec des Particuliers, ce qui n’est pas, il serait toujours vrai de dire que le Chapitre les combattait, en soutenant que son droit était général, qu’ils étaient tenus des voitures eux & tous les autres Habitants, ayant & labourant terres. La possession que le Chapitre articulait, consistait en ce que dicti Manentes & Habitantes, & alii habentes terras & hereditagia laborabiles in Villis, Majoriis, Territoriis & Parochiis pradictis tenebantur & debebabt adducere, feu adduci facere, etc.

Le Chapitre ne soutenait sa possession particulière contre les Opposants, qu’à raison de sa possession générale contre tous les Habitants ; tous les grains croissant sur toutes les terres étaient sujets au droit de champart. Omnia blada & alia grana quoe in dictis Villis & Territoriis ad causam decimarum campipartium colligebantur. C’est cette possession générale & universelle que le Chapitre avait prouvée par son enquête, & c’est dans cette possession qu’il a été maintenu par l’arrêt qui a prononcé sur la complainte.

 

2°. La transaction du mois de Décembre 1399 n’est point, dit-on, consentie par les Corps & Communautés des différentes Paroisses qui y sont dénommées, elle est passée avec des Particuliers qui possédaient des terres sujettes au champart, l’Assemblée n’était pas générale, sans cela elle aurait été faite à la réquisition du Syndic & au son de la cloche. La permission qu’il a fallu obtenir du Juge, la nécessité d’envoyer un Sergent de porte en porte, font sentir que l’on n’a appelé à l’Assemblée que ceux qui y étaient intéressés, comme possédant des terres sujettes au champart. Enfin dans cette transaction, il ne s’agissait pas seulement du droit d’amenage, mais d’autres droits pour cause de corveage, pour fouasse & autres : comment ces droits se sont-ils éclipsés & changés en un champart universel sur toutes les terres en rotures ?

Vouloir que la transaction ne soit pas passée avec tous les Habitants, c’est se boucher les yeux ou renoncer à faire usage de son raisonnement ; il n’y a qu’à consulter les procurations données par les Habitants de Sougis à un Procureur. Vouloir qu’un acte d’Assemblée, rédigé il y a trois siècles & demi, le soit avec toute l’exactitude qu’il le serait aujourd’hui, depuis les Déclarations du Roi, qui ont prescrit la forme des Assemblées d’Habitants ; c’est ce qui n’est pas raisonnable, mais tout ce qui caractérise & constitue une Assemblée universelle s’y trouve observé ; il fallait alors une permission du Juge, le son de la cloche n’était pas usité, les Habitants étaient assemblés par cri public & par ajournement faits de maison en maison par le Sergent à l’issue de la Messe Paroissiale.

Si l’Assemblée n’eût été formée que de Particuliers, on n’aurait point observé ces formalités. Des Particuliers, qu’un intérêt commun réunit, n’ont pas besoin de la permission du Juge pour s’assembler, & il n’y a que les Assemblées de la Communauté qui se font à l’issue de la Messe Paroissiale.

Pourquoi les procurations, rédigées dans les Assemblées, disent-elles que ceux qui composaient l’Assemblée faisaient la plus grande & saine partie des Manants & Habitants, labourant ou faisant labourer ? C’était pour indiquer que l’Assemblée s’était faite pour l’intérêt général des Habitants. Il est vrai que ce sont des Particuliers qui sont dénommés dans les procurations, mais les Communautés ne sont formées que des membres qui composent le Corps, & ces membres ont assisté à l’Assemblée, non pour leur intérêt particulier, mais pour l’intérêt commun du Corps, dont ils faisaient la plus saine partie.

Personne n’est nommé en particulier dans la transaction, elle est passée avec les Manants & Habitants, & autres, ayant, tenant, labourant ou faisant labourer, maisons, masures, terres & héritages ès Villes, Mairies, Territoires & Paroisses de Sougis. A qui appliquera-t-on ces qualités ? Elles ne conviennent à personne en particulier, & elles conviennent aux Communautés, qui dans une Assemblée ont chargé des Procureurs d’un pouvoir spécial ; que ce soit des Procureurs ou des Syndics, c’est une question de nom, on s’est conformé alors à l’usage.

Il est encore vrai que l’on y indique les Manants & Habitants, en y ajoutant la désignation particulière d’ayant, tenant & labourant, ou faisant labourer terres & héritages ; & il était bien juste, dans le cas de la perception d’un droit réel à prendre sur les héritages, de marquer que l’Assemblée était composée particulièrement de ceux qui les possédaient, labouraient ou faisaient labourer, & non par de simples Ouvriers qui ne possèdent point de terres & qui n’avaient eu aucun intérêt d’entrer en accommodement avec le Chapitre.

Mais ce qui tranche toute difficulté, ce sont les qualités de l’Arrêt d’homologation, il est rendu entre le Chapitre d’une part, & Manentes & Habitantes, & alios habentes, tenentes & laborantes feu laborare facientes.

Personne n’est dénommé que les Habitants en général ; on aurait rappelé les noms de ceux qui avaient parlé dans les procurations, si les procurations leur eussent été personnelles, mais ils ne furent assemblés que pour former un acte de Communauté, capable de mettre la Communauté en état de se présenter elle-même en Justice.

A l’égard des autres droits, dont parle la transaction, tel que le droit de corvéage, de fouasse, de cens ou coutume, il ne faut pas les confondre avec le champart ; il n’est point vrai que le champart en ait pris la place ni que ces droits s’appliquent aux différentes terres en rotures de la Paroisse de Sougis. Ces droits, aux termes de la transaction, étaient purs personnels & se percevaient, comme le dit la transaction, sur chaque personne, à cause des maisons, masures & terres dépendantes des masures, portant fruits, labourées ou non labourées ; cela n’établit pas une différente nature de doit sur les terres de la Paroisse, il n’y a qu’à lire cette transaction & on verra que bien loin qu’elle applique ces différentes redevances à différentes terres, elle dit formellement le contraire, & elle marque que ces droits étaient personnels & dus au Chapitre, indépendamment, sans préjudice & sans diminution du droit général de champart : voici les termes : Disaient les Complaignants (c’était le Chapitre) être en possession & saisine, d’avoir, prendre & percevoir chacun an au jour de Saint-Thomas Apôtre, sur chaque personne, ayant & tenant masures, & terres labourées, & portant fruit . . . savoir pour chacune masure de terre contenant certaine quantité, deux mines de bled & deux mines d’orge . . . pour cause de corvéage 4 sols 6 den. pour cens ou coutume, avec une mine de froment à 2 den. D’élite pour fouasse, etc. Il est donc évident par la transaction même, que les Habitants, outre le champart général, qui fait l’objet principal de la transaction, étaient encore chargés de différentes autres redevances personnelles, séparées du champart, & cela, à cause de leurs maisons ou masures, & l’on ne saurait dire, ni que ces différents droits soient à percevoir chacun sur différente nature de terres en rotures, ni qu’ils aient été changés en un champart universel sur les terres en rotures, puisque ce champart, indépendamment de ces droits, a toujours universellement subsisté.

Ces deux titres anciens conservent donc malgré la critique des Habitants toute leur force, il n’y était question à la vérité que de l’amenage du champart ; mais le droit du Chapitre ayant été assuré avec tous les Habitants, il en faut tirer la conséquence que le champart regardait en général la Communauté qui osait en contester la voiture, & que ce qui est jugé avec le Corps des Habitants pour la voiture, l’est à plus forte raison pour le fond du droit.

 

Reconnaissance du 7 Août 1455

 

Le Chapitre a rapporté une reconnaissance générale passée à son profit par la Communauté de Sougis le 7 Août 1455.

Il paraît dans cette reconnaissance que le droit de champart appartenant au Chapitre sur la Communauté de Sougis , lui était dû à raison de la 6è gerbe, que cependant le chapitre avait bien voulu se relâcher de son droit depuis quelques années & se contenter de ne percevoir le champart qu’à raison de la 9è ; les Habitants s’adressent au Chapitre pour lui demander encore la même grâce pour 12 années ; mais le Chapitre sentant combien il est dangereux d’obliger des Habitants sans s’assurer son droit pour l’avenir, exige une reconnaissance des Habitants.

Rien n’est encore plus authentique que cette reconnaissance : pour donner au chapitre une assurance que son indulgence ne pourrait préjudicier à son droit, les Habitants s’assemblent & sont convoqués devant l’Eglise par l’autorité du Juge présent à l’Assemblée & l’autorisant, ils avaient le Curé de la Paroisse principal Habitant à leur tête, & l’acte dit que les Assistants faisaient la plus grande et saine partie des Habitants de Sougis. Le Chapitre en considération des pertes que les Habitants avaient souffertes à l’occasion des guerres & stérilités, veut bien se contenter encore de percevoir son champart à la 9è gerbe pendant 12 années, à condition néanmoins de le lever à la 6è, sans que la modération pour les 12 années puisse tirer à conséquence pour les droits du Chapitre, ce à quoi se sont soumis les Manants & Habitants, labourant ou faisant labourer terres dans la Paroisse de Sougis, assemblés à ce sujet.

On blâme de la part des Habitants cette reconnaissance dans la forme & au fond.

Dans la forme ce n’est, dit-on, qu’une copie collationnée sur l’original à la vérité & avec les Habitants de Sougis, mais l’acte sur lequel cette copie a été faite n’était point dans les minutes du Notaire ni dans le dépôt public, il avait été apporté par les Députés du Chapitre, le Procès-verbal de collation justifie bien que la copie est conforme à l’acte représenté, mais il ne justifie pas que cet acte rapporté par les Parties intéressées fût authentique, par conséquent la copie collationnée ne peut faire foi.

La collation justifie que la copie est conforme à l’original représenté, c’est tout ce que le Chapitre voulait établir en faisant collationner sa pièce : former aujourd’hui des doutes sur l’authenticité de la pièce sur laquelle la collation a été faite, il est trop tard, il fallait la critiquer quand le Chapitre l’a représentée, elle était sous les yeux des Habitants , la collation n’a point été faite sur une minute on en convient, mais est ce qu’une expédition délivrée sur une minute par un Officier public n’a pas autant d’authenticité que la minute même ? Le Chapitre a ce titre original dans son Trésor, une expédition originale mérite les mêmes égards que la minute même.

Au fond , on soutient encore que cet acte n’assure pas l’universalité du droit, qu’au contraire il prouve qu’il n’était dû que par quelques Habitants, parce que l’acte dit qu’aucun Habitants se sont présentés, que l’acte ne parle que des terres étant au dit champart, ce qui est limitatif aux terres qui y sont sujettes, qu’en un mot, une Assemblée générale doit être convoquée par le Syndic & non par l’autorité du Bailli.

La reconnaissance porte à la vérité qu’aucun des Habitants se sont présentés au Chapitre pour lui demander de modérer pour 12 années son droit de champart, mais ils étaient, comme le porte l’acte, en grand nombre et faisaient la plus grande & la plus saine partie des Habitants, & ce qui assure qu’ils faisaient Corps de Communauté, c’est qu’ils avaient été assemblés & convoqués devant l’Eglise par le congé du Bailli présent à l’Assemblée & l’autorisant, le Juge n’aurait pas eu besoin de s’intéresser, & d’interposer son ministère pour une affaire qui n’aurait regardé que l’intérêt des Particuliers ; ce n’est point au nombre des Habitants dont l’Assemblée était composée qu’il faut s’attacher, ils n’étaient si l’on veux que 23 ou 24, il a pu s’en trouver plus ou moins, c’est la convocation universelle qui fait l’Assemblée générale. C’est une observation trop subtile & sans fondement que de dire qu’il n’est parlé dans la reconnaissance que des terres de la Paroisse étant audit champart, & que ces termes sont limitatifs aux terres qui y sont sujettes, car ils peuvent aussi bien s’appliquer à la désignation des terres de la Paroisse étant à champart, & en ce cas ils seraient déclaratifs & affirmatifs, & non limitatifs, mais s’ils peuvent être envisagés comme limitatifs, ce n’est que par opposition aux terres qui sont en fiefs qui ne doivent point de champart.

 

Sentence de 1470, & Arrêt de 1471

 

A l’expiration des douze années accordées par la reconnaissance de 1455, portant modération du sur du champart à la neuvième gerbe, les Habitants de Sougis, par une ingratitude naturelle aux paysans, voulurent tourner contre le Chapitre la grâce qu’il leur avait accordée, & prétendirent ne plus payer le champart qu’à raison de la neuvième gerbe, & non au sur de la sixième. Le Chapitre l’avait bien prévu, & c’était pour obvier à cette difficulté, qu’il avait demandé la reconnaissance universelle de 1455 ; il en fit usage, & intenta une nouvelle complainte contre les Habitants, qui intentèrent aussi complainte de leur part, et ces complaintes respectives furent jugées par Sentence de la Prévôté d’Orléans du 6 avril 1470 ; elle est rendu sur productions respectives entre le Chapitre d’une part, et le Procureur fondé des Manants et Habitants de Sougis, nommé par une Procuration qui lui avait été donnée à cet effet.

Elle prononce que le Chapitre avait mieux & plus suffisamment prouvé & enseigné sa possession que n’avait fait le Procureur desdits Habitants de Sougis & Terminiers ; le Chapitre est maintenuen possession & saisine de prendre & percevoir champart ès terres étant esdits lieux & Paroisses de Sougis & Terminiers, & sur tous iceux Habitants qui labourent terres en dedans des fins & metes desdits lieux & Paroisses étant à droit de champart, c’est à savoir de prendre & percevoir sur les Habitants labourant terres esdits lieux de Terminiers & Sougis de six gerbes l’une, des grains cueillis & perçus en leurs terres, etc. le reste concerne la prohibition d’enlever les gerbes avant que le champart soit levé, & l’obligation de voiturer dans les granges du Chapitre. Les Habitants de Sougis ayant interjeté appel de cette Sentence en la Cour, elle y a été confirmée par Arrêt contradictoire du 11 Mars 1471.

On retrouve toujours dans la bouche des Habitants les mêmes objections. La Sentence & l’Arrêt ne sont point intervenus, prétend-on, avec le Corps & Communauté de Sougis & de Terminiers, mais avec des particuliers Manants & Habitants, & ce qui en fait la preuve, selon eux, c’est qu’il est ajouté qu’ils sont nommés & déclarés ès Lettres de procuration passée deant Jean Courtin le 8 Août 1467. Cette Procuration n’était donc, conclut-on, donnée que par des particuliers ; d’ailleurs le Chapitre est maintenu en son droit de champart ès terres étant esdits lieux & Paroisses & sur tous iceux Habitants qui labourent terres au dedans des sins & metes desdits lieux & Paroisses étant à droit de champart ; ces derniers termes emportent une limitation bien marquée de la condamnation contre les Manants & Habitants qui labourent des terres qui sont sujettes au droit de champart ; l’Arrêt prononce le même limitation, terras ad jus campipartis existentes, l’Arrêt ne confirme donc le Chapitre que dans un droit particulier.

C’est se faire un jeu perpétuel de l’équivoque, que de se livrer à ces subtilités ; la Sentence renferme dans ses qualités les dénominations générales des Manants & Habitants de Sougis & de Terminiers ; ils comparaissent par un Procureur fondé : ce Procureur représentait le Syndic, & il avait une Procuration spéciale des Habitants à cet effet ; ce ne sont point les Habitants qui sont dits nommés dans la Procuration de 1467, c’est le Procureur ; il n’y a pour s’en convaincre qu’à lire les qualités de la Sentence & le dispositif ; dans les qualités, en effet le Procureur des Manants & Habitants est dit comparant en personne, & tout de suite, nommé & déclaré ès Lettres de procuration ; c’est donc le Procureur fondé qui se trouve nommé dans la Procuration ; d’ailleurs dans le dispositif, c’est toujours le Procureur des Manants & Habitants que l’on désigne, & non les Habitants nommés dans la Procuration. N’est - il pas de la règle que des particuliers, en si grand nombre qu’ils soient, ne peuvent procéder en Justice par un Procureur fondé, au lieu qu’une Communauté universelle y paraît par son Syndic ou par son Procureur.

Quand on pourrait croire que les termes nommés & déclarés seraient relatifs aux Habitants qui auraient donné la Procuration, comment encore supposer que la Procuration ne soit qu’un Acte particulier ? Le contraire est évident ; des particuliers qui donnent une Procuration sont employés en leurs noms dans le Jugement, & la Sentence est au nom des Manants & Habitants : donc c’étaient les Manants & Habitants qui avaient donné la Procuration , & la Procuration était aussi générale que les titres précédemment énoncés.

Mais le dispositif de la Sentence ôte toute ressource à l’équivoque ; il est dit que le Chapitre a mieux prouvé sa possession que le Procureur des Manants & Habitants ; le Chapitre est maintenu & gardé en possession & saisine de prendre & percevoir champart ès terres étant esdits lieux & Paroisses de Terminiers & Sougis. Voilà toutes les terres en général ; & comme s’il manquait quelque chose à la force des expressions, on ajoute encore celles-ci ;& sur tous iceux Habitants qui labourent terres au dedans des sins & metes desdits lieux & Paroisses étant à droit de champart. Cela est extensif, loin d’être ? : on a voulu renfermer dans la disposition tout ce qui est compris dans les limites de la Paroisse sans aucune exception, & par une désignation générale.

Ces terme, étant à droit de champart, se rapportent & ne peuvent être détachés de ceux qui les précèdent immédiatement, Lieux & Paroisses étant à droit de champart, or ces deux termes sont généraux, surtout celui de Paroisses, ce sont donc ces paroisses qui sont dites sujettes au droit de champart, & ce sont comme le dit la Sentence, les terres qui sont au-dedans des sins & metes de ces Paroisses qui sont à droit de champart.

Les autres termes, sur tous iceux Habitants qui labourent terres au-dedans des sins & metes, portent la conviction dans le cœur, que d’un côté c’était tous les Habitants qui contestaient, & que l’on a jugé que le Chapitre était en possession du champart, sur toutes les terres renfermées dans les limites de la Paroisse.

Mais quand même contre le sens naturel & l’arrangement des termes, on pourrait se prêter à dire avec les Habitants de Sougis, que ces mots, étant à droit de champart, ont quelque chose de limitatif, (ce que l’on ne croit pas qu’il soit permis de penser) cela ne pourrait encore s’appliquer qu’aux terres qui ne devraient point de champart, qui sont les terres en Fief : l’Arrêt ne faisant que confirmer la Sentence, les mêmes réflexions s’appliquent à la disposition qu’il renferme.

 

Transaction de 1540, & Arrêt d’homologation de 1541.

 

Le plus important et le plus solennel des titres du Chapitre, c’est la Transaction du 13 Décembre 1540, homologuée par Arrêt du 24 Novembre 1541, cette Transaction est passée avec les Manants & Habitants de Sougis, Boissay & Millouard, ils avaient chargé des Procureurs qui étaient porteurs de Procurations générales ; tous les droits du Chapitre sont universellement avoués & reconnus par cette Transaction, on y énonce la Sentence de 1470, & l’Arrêt de 1471, on y rappelle l’ancienne Transaction de 1399, elle renferme la supplication des Habitants adressée au Chapitre, de modérer son droit à l’avenir, à raison de la 9è gerbe, & la soumission de payer le champart de tous les grains naissants et croissants ès terres & héritages situés & assis ès sins & limites de la Paroisse de Sougis à raison de la 9è gerbe & de la 12è pour les Hameaux de Boissay & Millouard de la même seigneurie, comme aussi de voiturer les gerbes à leurs frais dans la grange champartresse de Sougis, & après que les grains auront été battus & nettoyés, de les conduire dans les greniers du Chapitre à Orléans en la manière accoutumée.

Il y est dit que les Habitants ne pourront changer leurs terres labourables sujettes au champart, sans la permission du Chapitre, à peine d’amende, & de les rétablir au premier état, ni édifier maisons ou hébergements outre les anciens édifices.

Les Procurations générales des Habitants sont transcrites dans la transaction, & elle a été homologuée par Arrêt contradictoire rendu en 1541, du consentement des Parties, sur les conclusions de Monsieur le Procureur Général, & sur la Requête même des Habitants de Sougis. Si un titre aussi décisif laissait encore après lui quelque doute sur l’étendue & la généralité du droit, il faut avouer qu’il n’y a point de droit , de quelque nature qu’il soit, & sur quelque titre qu’il soit fondé, que l’on ne puisse encore regarder comme problématique. Quand on rapproche cette transaction homologuée par un Arrêt rendu sur le concours de la volonté des Parties, secouru de l’autorité du Ministère public ,de la contestation que le Chapitre éprouve encore aujourd’hui de la part de la Communauté des Habitants de Sougis, il n’y a personne qui ne se révolte, & qui ne traite avec la dernière indignation l’entreprise de ces Habitants de cabale fédicieuse & de mutinerie, qui n’a que l’aveuglement & l’entêtement pour principe.

Cependant on veut encore se mettre à l’abri de l’autorité de cette transaction, & on soutient qu’elle n’établit pas que le droit soit général & universel sur toutes les terres dont le territoire est composé , parce que,

1° Ce titre n’est point passé, dit-on , avec le Corps & Communauté des Habitants de Sougis, Boissay & Millouard , mais seulement avec des particuliers Manants & Habitants de ces territoires. Ce sont différents particuliers au nombre de 49, demeurant au village de Sougis, qui ont parlé dans les Procurations, & quelques autres particuliers des autres Hameaux en dépendant qui étaient tous présents, & ont donné leurs Procurations à quatre autres. Il en est de même de la Procuration donnée aux mêmes personnes pour le terroir de Boissay ; elle est donnée par six particuliers demeurant à Sougis, & ayant terres au terroir de Boissay : ce n’est donc, conclut-on, que les seuls particuliers ou leurs successeurs dans la possession de leurs héritages que ce titre concerne.

La transaction est véritablement passée avec la Communauté des Habitants de Sougis, Millouard & Boissay, & non avec des particuliers, comme on le suppose, il n’y a pour s’en convaincre, qu’à s’attacher aux Procurations.

Pour rendre un Acte général, ce n’est point au nombre des personnes qui l’ont signé qu’il faut s’arrêter, c’est à la convocation générale de la Communauté ; la Procuration est signée de quarante-neuf ou cinquante Habitants de Sougis : c’était peut-être tout ce qu’il y avait d’Habitants ayant terres, ou faisant labourer terres, comme le dit la transaction : une Communauté ne signe point, ce sont les membres de la Communauté qui signent : or quand est-ce que ces membres représentent tout le Corps ? C’est quand le Corps même est convoqué, les membres qui paraissent en conséquence de la convocation constituent le Corps & la Communauté.

Ceux qui ont comparu, comme le porte la Procuration de 1540, étaient les ayants terres, possédants, labourants, ou faisant labourer terres au terroir & Paroisse de Sougis, quand même les artisans, les ouvriers, & les autres ne possédant aucune terres ne seraient point comparu, l’assemblée n’en serait pas moins générale, parce que ceux-là n’y avaient point intérêt, ne devant point de champart ; de la même manière qu’une assemblée convoquée pour la Taille ne serait pas moins générale, quoique les exempts n’y comparussent pas, la Taille cependant est un droit universel sur la Paroisse : peut-on douter qu’une assemblée ne soit générale, & ne concerne le Corps & Communauté quand elle se fait devant l’église de la Paroisse par le congé du juge, & qu’il est dit que ceux qui signent l’acte d’assemblée sont & représentent la plus grande & saine partie des Manants & Habitants de la Paroisse. Voilà les caractères d’un acte général, & c’est ainsi que se faisaient les assemblées de Communautés il y a deux siècles ; il est évident que rien n’autoriserait à blâmer aujourd’hui une pareille assemblée, si elle était faite en cette forme.

A l’égard de la Procuration des Habitants de Boissay, elle est donnée par tous ceux qui exploitaient des terres ; ce n’est qu’un hameau dépendant de Sougis, c’est pourquoi il a été plus facile de les faire paraître tous dans la Procuration.

Tout répond dans la transaction à la généralité des Procurations ; ce sont les Manants et Habitants de la Terre & Seigneurie de Sougis, ayant terres & héritages en icelle, qui présentent leur Requête au Chapitre, ils y demandent la modération du droit de champart pour eux & leurs successeurs. Ils avouent que ce droit est indistinctement étendu sur toutes les terres, sans aucune restriction d’ouches ; la soumission de payer le champart tombe sur tous les grains naissants et croissants ès terres & héritages assis ès sins & metes de ladite Paroisse, Terre & Seigneurie de Sougis : il n’y a pas un seul mot qui puisse tendre à faire présumer la personnalité ; tout respire au contraire, & tout tend à la généralité & à l’universalité du droit sur toute l’étendue de la Seigneurie.

2° Mais, dit-on, la soumission de payer le champart de tous les grains naissants & croissants ès terres & héritages assis ès sins & metes de la Paroisse, est limité par ces termes, sujets à droit de champart, par-là le droit est limité aux terres qui y sont assujetties ; & par conséquent toutes les terres en roture ne sont pas chargées de champart.

En raisonnant ainsi, on coupe le sens des dispositions, & on éloigne les termes qui sont uni, & qui sont relatis entr’eux : ces termes doivent marcher ensemble, Terre & Seigneurie de Sougis sujette à droit de champart.

Les derniers mots sont déclaratifs & non limitatifs ; ils indiquent que le Terre & Seigneurie de Sougis est sujette au droit de champart, et c’est sur tous les grains naissants & croissants ès terres & héritages assis ès sins & metes de la Paroisse, sujette au droit de champart, que tombe la soumission ; quand on lit les dispositions en leur entier, le sens s’en présente naturellement, & ce n’est qu’en divisant les termes qui doivent rester unis, que l’on parvient à y trouver de l’équivoque.

Après tout, quand il y aurait du doute, & que l’on pourrait supposer quelque chose de limitatif, cela ne pourrait tomber que sur les terres en Fief ; mais ce qui répugnera toujours à l’interprétation forcée ; & on peut dire fantastique des Habitants de Sougis, ce sont les expressions que l’on fait marcher d’abord pour marquer la généralité, sur tous les grains naissants & croissants ès terres & héritages assis ès sins & metes, c’est avoir tout compris sans exception, & c’est avoir renfermé toutes les terres de la Paroisse.

 

Baux du champart, & Procès verbaux de cotte qui établissent la possession.

 

Le Chapitre de Sainte Croix ne s’est pas contenté de rapporter ses titres pour justifier l’universalité de son droit de champart, la quotité du sur, & les charges qui accompagnent la prestation ; il a encore vouluque la Cour fût informée de la possession continuelle & sans trouble dans laquelle il avait toujours été depuis cette transaction jusqu’à la récolte 1734, que les Habitants de Sougis ont commencé pour la première fois de refuser le droit de champart.

La preuve de cette possession remonte au-delà d’un siècle, & elle résulte de plusieurs baux que le Chapitre a choisi exprès de différents temps, & qu’il aurait rapporter de presque toutes les années qui se sont écoulées depuis la transaction, ceux qui sont produits sont des années 1613, 1643, 1687, 1707, 1725, 1731, 1732 & 1733, ces baux sont faits du droit de champart de chaque année pour en jouir par les preneurs conformément à la transaction du 13 Décembre 1540, à la charge qu’ils seront tenus de faire voiturer par les Laboureurs & Détempteurs des terres, à leurs dépens, les grains dans les greniers du Chapitre à Orléans. Chaque bail est fait après des publications & à la chaleur des enchères ; & ce qui est singulièrement remarquable, c’est qu’ils sont adjugés à des Habitants de Sougis ; et ceux des années dernières, aux adversaires mêmes du Chapitre qui se sont mis à la tête des révoltés.

Cette possession resuite encore de plusieurs Procès verbaux faits devant Notaires, appelés vulgairement Procès verbaux de cotte, dressés chaque année dans la Grange champartresse de Sougis, en présence de la Communauté convoquée à ce sujet ; ils font mention que l’on a battu douze gerbes de bled & douze gerbes d’avoine dans la Grange, & que ces gerbes ont rendu certaine quantité de grains, & cela afin de fixer ce que chaque Habitant est tenu de voiturer ensuite à Orléans dans les greniers du Chapitre, par proportion à la quantité qu’il a d’abord amené à la Grange champartresse.

On ne répond de la part des Habitants de Sougis à ces preuves de possession, que par les mêmes réflexions que l’on a employées contre la transaction ; les baux sont faits, dit-on, pour en jouir par les preneurs conformément à la transaction de 1540. Les Procès verbaux de cotte y sont aussi relatifs ; or dès que la transaction n’est pas un titre universel avec tous les Habitants, mais seulement avec les Détempteurs de terres qui y sont sujettes, ces actes ne peuvent comprendre que le droit appartenant au Chapitre sur les terres qui y sont sujettes, & non la totalité des terres qui composent la Paroisse de Sougis.

Par l’argument contraire, si par la transaction qui est relative aux Arrêts qui l’ont précédée on a traité avec la Communauté d’un droit universel, il est invincible que la possession que le Chapitre a eûe en conséquence de la transaction justifiée par les baux & les Procès verbaux de cotte est une possession universelle sur tous les Manants & Habitants, ayant, possédant, labourant & faisant labourer terres dans l’étendue du terroir, Paroisse, Seigneurie & Mairie de Sougis, & sur tous les grains croissants & naissants ès terres & héritages situés & assis ès sins & metes de ladite Paroisse, terre & Seigneurie de Sougis, sujette à droit de champart ; cela a été démontré, il en faut donc conclure que la possession du Chapitre étant conforme à ses titres, elle est également universelle.

Voyons quels sont les titres que les Habitants y opposent de leur part.

 

Analyse des prétendus titres rapportés par les Habitants.

 

Non seulement tous les titres du Chapitre justifient que son droit est universel, & qu’il n’a point de champart s’il n’est général sur toutes les terres en roture de la Paroisse ; mais encore les titres rapportés par les Habitants, ou tendent au même but ou quadrent & sont d’accord avec ce système, c’est ce qu’il est aisé de démontrer.

La prétention des Habitants est, qu’il y a des terres dans l’étendue de la Paroisse de Sougis qui ne sont chargées que d’un simple cens envers le Chapitre, d’autres d’une seule dîme seigneuriale, qu’il y en a qui sont dans la mouvance d’autres Seigneurs & chargées envers eux d’un cens, d’une dîme, ou même d’un champart ; de là, dit-on, l’impossibilité est absolue que les mêmes terres soient en même temps chargées d’un champart universel envers le Chapitre d’Orléans.

Dès que l’on jette les yeux sur les titres que les Habitants se sont formés pour parvenir à établir ce système, on est convaincu que ce n’est qu’un ouvrage ménagé par l’intrique, & préparé à dessein d’attaquer la prétention du Chapitre ; ce sont en effet des déclarations prétendues passées en 1646, elles sont toutes informes & incapables de faire foi, les unes ne sont point signées des témoins, sur les autres la signature du notaire est omise, sur d’autres on ne trouve point de signature de ceux qui paraissent les avoir passées, d’autres ne sont signées de qui que ce soit, & plusieurs sont passées au cabaret, il n’y en a pas une seule où le Chapitre paroisse avait eu part ; il est manifeste que ce sont des titres particuliers que les Parties intéressées ont cherché à se faire elles-mêmes pour tâcher d’en faire usage contre le Chapitre.

Et en effet, où sont les Lettres de terrier du Chapitre pour forcer ces Particuliers à fournir ces déclarations ? Jamais le Chapitre n’en a obtenu, & la raison en est bien naturelle, il n’a sur les terres qu’un droit de champart seigneurial, imprescriptible de sa nature, il n’a jamais eu besoin de reconnaissance à cet égard & n’en a jamais demandé, aussi voit-on dans les différents titres que le Chapitre a rapportés au sujet des contestations qu’il a essuyées, qu’il n’a jamais réclamé que sa qualité de Seigneur en l’universalité de son droit.

Mais quand le Chapitre descendrait dans l’examen des pièces compulsées & rapportées par les Habitants, on ose dire qu’elle ne forment pas même un doute sur l’universalité, qu’elles n’établissent tout au plus que la supercherie et le déguisement des Habitants.

Le 1er cahier des pièces consultées, est composé de 18 déclarations de 1646, portant reconnaissance que les terres déclarées sont chargées envers le Chapitre de droit de cens et de dîme à raison d’une gerbe la mine, l’induction & la conséquence qu’on en tire est, que le champart n’est pas universel, puisqu’il y a des terres qui ne doivent que le cens ou la dîme.

Des 18 reconnaissances comprises dans ce cahier, il n’y en a qu’une seule qui est la première qui parle d’un cens de 3 s. 9 den. encore n’est-ce que pour une maison & quelques mines de terre jointes à la maison, & une autre mine où il y avait un moulin, les maisons doivent le cens qui emporte lors de mutations profits de lots & ventes, & les terres ne doivent le champart sans aucun profit.

A l’égard des 17 autres reconnaissances il n’y est point parlé de cens, mais de la dîme à raison d’une gerbe par mine, il est bien sensible que le Chapitre n’a jamais exigé de pareilles reconnaissances, puisqu’il n’a jamais eu besoin de titres pour la dîme Ecclésiastique ; d’ailleurs on voit qu’il n’est question dans ces reconnaissances que de terres en Fief, soit de Lencorme ou autres, sur lesquelles le Chapitre a un droit de dîme qu’on ne lui peut contester. Ainsi outre que les défauts essentiels de forme de ces pièces, on sent qu’elles n’entament point le droit du Chapitre.

Le second cahier des pièces compulsées, renferme plusieurs autres déclarations de la même année 1646, passées, à ce que l’on dit, au Chapitre par différents Particuliers, qui justifient que le Chapitre ne jouit en quelques endroits du champart qu’à raison de douze gerbes une, d’où l’on conclue que le sur n’étant pas uniforme, le droit ne peut être universel.

Les dispositions de la transaction de 1540 produite en l’Instance, répondent à cette fausse induction ; suivant cette transaction il n’y a dans la Paroisse de Sougis aucune différence du sur, il se perçoit généralement à la neuvième, excepté néanmoins les terres de Millouard & de Boissay, & les terres plantées en vignes où le champart n’est perçu qu’à raison de la douzième, cela est marqué par une clause précise de la transaction.

Mais toutes les déclarations renfermées dans ce cahier indépendamment de ce qu’elles sont défectueuses dans la forme, & de ce qu’elles ne sont passées avec qui que ce soit ayant mission, pouvoir ou procuration du Chapitre, ne s’appliquent qu’à des terres plantées en vignes, ou qui l’avaient été ; les Détempteurs par ces actes furtifs & clandestins ont cherché à se faire des titres pour ne payer le champart qu’au sur de douze, ce qui n’a jamais eu d’exécution ; on ne saurait forcer le Chapitre à reconnaître des actes qu’il a vus pour la première fois dans la production nouvelle qui a été faite en l’Instance ; jamais en effet ces actes n’ont été délivrés ni même renouvelés depuis 1646, ce qui les rend absolument inutiles indépendamment des autres défauts, & le Chapitre a toujours joui de son droit conformément à la transaction avec laquelle on ne mettra pas certainement en parallèle des actes de cette nature.

Il est vrai que l’on dit que ces actes ont été passés en conséquence des poursuites faites par le Chapitre, & que dans quelques uns de ces actes le Chapitre paraît y faire une réserve de ses frais ; mais ce sont des fictions & des précautions prises pour donner à l’acte des couleurs qui en cachent la fausseté par un air de vraisemblance : où sont ces poursuites ? On défie les Habitants d’en montrer le moindre vestige, & de faire voir que le Chapitre ait jamais demandé des déclarations d’un droit Seigneurial ou d’une dîme Ecclésiastique imprescriptibles de leur nature.

Le troisième cahier renferme encore des déclarations passées par différents Particuliers de Sougis au profit du Chapitre de Saint-Agnan d’Orléans dans les années 1637, 1644, 1651, 1652 & 1654, dans lesquelles ces Particuliers reconnaissent, dit-on, tenir quelques terres à titre de cens du Chapitre de Saint-Agnan , on en conclut que le Chapitre d’Orléans ne levait pas même la dîme sur ces portions de terres.

La réunion du cens & du champart sur une même pièce de terre ne serait pas extraordinaire ni même incompatible ; ces deux droits pourraient appartenir à différents Seigneurs sur une même terre, suivant l’article 143 de la Coutume d’Orléans.

Mais le Chapitre de Saint-Agnan possède dans l’étendue de la Paroisse de Sougis un fief appelé le fief de Domecy, sur les terres qui le composent & qui sont de la Paroisse de Sougis. Le Chapitre d’Orléans ne perçoit que la dîme, le Chapitre de Saint-Agnan y a aussi des terres en roture, sur lesquelles ce Chapitre peut lever un surcens, & le Chapitre d’Orléans y lever le champart ; cela est si vrai que le Chapitre de Saint-Agnan Partie en la Cause a déclaré positivement que le champart qui se levait sur ces terres en roture ne lui appartenait pas, mais au Chapitre d’Orléans, & le sieur Groteste Détempteur de ces terres en roture a offert en conséquence de payer le champart.

Rien n’est plus ridicule, on ose le dire, que la conséquence qu’on veut tirer de ces faits, que le Chapitre d’Orléans n’est pas seul Seigneur Censier dans la Paroisses de Sougis, que le Chapitre de Saint-Agnan en est Seigneur en partie puisqu’il a des terres dans sa censive ; le Chapitre d’Orléans n’a de censives que sur les maisons ; on défie les Habitants de rapporter la moindre preuve qu’ils aient payé au Chapitre des droits de lots & ventes pour mutation de terre comme ils en paient pour les maisons : le Chapitre de Saint-Agnan a-t-il jamais prétendu la qualité de Seigneur en partie de Sougis, s’il a des terres dans sa censive ce sont des terres qui font partie de son fief.

A l’égard de la dîme, le Chapitre d’Orléans la perçoit sur les terres en fief qui appartiennent au Chapitre de Saint-Agnan qui sont dans l’étendue de la Paroisse ; Les Habitants savent que ce fief de Domecy s’étend sur deux Paroisses, & le Chapitre ne prétend aucun droit sur les terres des Paroisses voisines.

Le quatrième cahier contient un bail du 28 Mai 1729 fait par le Directeur du Séminaire d’Orléans des dîmes appartenantes au Séminaire dans la Paroisse de Sougis.

Il ne faut que lire ce bail pour s’apercevoir qu’il ne renferme rien de raisonnable ni qui puisse fixer l’attention, il paraît d’abord que ce sont des dîmes qu’on afferme, & dans la suite du bail on oublie que ce sont des dîmes, on n’y parle que d’un droit de champart, en sorte que les clauses du bail s’impugent & se détruisent mutuellement ; les terres sur lesquelles le Séminaire d’Orléans perçoit la dîme ne sont pas de la Paroisse de Sougis ; le Chapitre d’Orléans Curé primitif est seul gros Décimateur ? ? dans la Paroisse, il n’y a point de contestation entre lui & le Séminaire d’Orléans à cet égard, il n’appartient point aux Habitants de Sougis d’entreprendre d’en faire naître, d’ailleurs l’objet du Procès n’est point le droit de dîme, mais le droit de champart ; les Habitants n’affectent de parler de la dîme que pour apporter de la confusion.

Le cinquième cahier renferme un bail du 0Mai 1712 fait par un Chargé de procuration du Prieuré de Saint-Laurent, entr’autres choses d’un droit de champart à prendre sur les terres de la Seigneurie au terroir de Lencorme, à raison de dix gerbes l’une.

Lencorme est un fief sur lequel le Chapitre ne demande que la dîme & non le champart, qu’il y ait dans l’étendue de ce fief censive ou champart, ce n’est pas l’affaire du Chapitre, mais du Seigneur de Lencorme qui a pu disposer de ses terres, comme il lui a plu, en aliéner une partie à titre de cens ou de champart, & qui peut faire valoir ses droits conformément à ses titres ; cela n’a aucune relation avec le droit de champart du Chapitre

d’Orléans, il n’a aucune contestation avec le Prieur de St-Laurent, les terres de son Fief de Lencorme sont bornées par elles-mêmes, & séparées de celles sujettes au champart dû au Chapitre.

Le sixième cahier contient une déclaration du 20 Novembre 1706, qui énonce différentes portions d’héritages situés au Terroir de Millouard, chargé d’un champart envers la Commanderie de Saint-Marc.

Rien n’était plus inutile pour la contestation qu’une pareille pièce ; les terres dont il est parlé dans cette Déclaration sont situées dans l’étendue de la Paroisse & dîmage de Poupry, & non dans la Paroisse & Seigneurie de Sougis : cela est si vrai qu’elles paient la dîme à Poupry, par conséquent cette pièce est étrangère.

Le septième cahier est composé de plusieurs Déclarations passées au profit du Seigneur de Poupry, & ces droits se lèvent, dit-on, dans les climats de Mamerault , Boissay & Millouard, d’où l’on tire la conséquence, que dès que le Seigneur de Poupry a des droits de cens & de dîme à percevoir sur des terres sises à Millouard & à Boissay, le champart prétendu par le Chapitre ne peut être général sur toutes les terres en rotures sises aux mêmes Territoires.

Les Hameaux de Mamerault, Boissay & Millouard sont alternativement de la Paroisse de Poupry & de celle de Sougis ; mais de là il ne suit pas que les terres qui sont dans l’étendue de la Seigneurie de Poupry soient alternativement de la Seigneurie de Poupry & de celle de Sougis : les terres de ces deux Seigneuries sont très distinguées, le Chapitre ne lève le champart que sur les terres de la Seigneurie, & n’a jamais eu aucun démêlé avec les Seigneurs des Paroisses voisines : les Habitants de Sougis ne prouveront point qu’ils aient jamais été inquiétés par des Seigneurs différents, ni qu’on ait exigé sur eux un double droit de champart. Il y a plus, le Seigneur de Poupry lui-même, assigné à la requête du Chapitre, pour raison du champart, reconnaît qu’il est dû & offre de le payer sur les terres en rotures qu’il possède dans les Terroirs en question, qui sont de la Seigneurie de Sougis, sa déclaration qui est produite en l’Instance, est un désaveu bien formel des faits contenus dans ce cahier, & découvre à quel coin sont marquées les pièces produites par les Habitants, & les faits par eux avancés.

Enfin le huitième & dernier cahier contient un bail que le Chapitre a fait de ses dîmes en 1733. On a montré que cette pièce était indifférente à la contestation, les terres en Fief ne devant que la dîme, rien n’a empêché le Chapitre d’en faire un bail séparé, c’est même une précaution pour ne pas confondre les terres en rotures sujettes au champart, d’avec celles en Fief qui ne doivent que la dîme.

Les Habitants sentant par eux-mêmes la faiblesse des titres qu’ils prétendent opposer à l’universalité du droit du Chapitre, se sont avisés en dernier lieu de donner deux différentes Requêtes, par lesquelles ils ont articulé & mis en fait ce qu’ils ont senti que leurs titres ne prouvaient pas, ils y ont même ajouté d’autres faits pour augmenter la confusion de leur prétention, comme de dire que le Chapitre n’a jamais perçu que la dîme sur les terres en rotures dépendantes de la Métairie des Bordes-Martin, appartenant au sieur Abbé Noël, qu’il ne levait pas même la dîme sur celles appartenant à M. Bertelot Conseiller en la Cour ; qu’enfin il y avait des terres appelées terres franches & exemptes du champart, quoiqu’elles fussent en rotures.

C’est un système bien extraordinaire & en même temps une ressource bien faible que de demander à prouver par témoins, ce qui doit être établi par titres, & sur quoi la Justice ne reconnaît d’autres preuves que celles qui sont par écrit. Les Habitants qui ont trouvé le moyen , par leur intrigue, de faire durer le procès pendant cinq ans ont eu le temps de chercher les titres de leur prétention, s’ils n’en ont point, comme ils sont obligés d’en demeurer d’accord, c’est qu’elle est imaginaire. Peut-on compter que la Justice déferre à la preuve vocale des faits totalement opposés aux titres que le Chapitre rapporte lui-même ? N’est il pas de principe que la preuve par écrit ne peut être mise en parallèle ni combattue par la preuve testimoniale ? N’est ce pas un autre principe incontestable qu’en pareille matière, la preuve testimoniale n’est point admissible ? Ces requêtes des Habitants sont de la nature de celles que l’on donne lorsque l’on se sent aux abois & que l’on a plus d’autre ressource.

Les terres des Bordes-Martin & celles qui appartiennent à M. Bertelot, dans le Village & Territoire de Chevaux sont en Fief, les Habitants peuvent consulter les Propriétaires ; à l’égard des terres appelées Franches, ce n’est qu’une dénomination, qui n’indique point d’affranchissement du droit de champart : jamais les Habitants n’en montreront le moindre titre, ce sont des titres & non des faits qui déterminent & décident en pareille matière.

Le Chapitre finit, en suppliant la Cour d’observer que les Habitants de Sougis, qui contestent le droit de champart, ne sont pour la plupart, que des Fermiers ; le Chapitre, pour démontrer à la Cour que la contestation qu’il essuie, n’a d’autre principe que l’esprit de fédition, dont les Habitants sont animés, a mis en cause tous les Propriétaires, leurs déclarations sont produites en l’Instance, tous unanimement, si on n’en excepte quelques uns du nombre des fédicieux, & qui n’ont qu’un léger intérêt, ont offert de payer le champart, ils ont même indiqué qu’ils avaient chargé leurs Fermiers de l’acquitter : de quel oeil peut-on regarder les adversaires que le Chapitre a à combattre ? N’est il pas sensible qu’ils sont non recevables, & qu’il n’y a que l’aveuglement & l’entêtement qui les conduit.

Quand on fait le parallèle des titres que le Chapitre rapport, des termes dans lesquels l’universalité y est désignée & démontrée, avec ceux que les Habitants ont cherché à se faire sans aucun contradicteur, ou ceux dont ils tirent de fausses inductions, on est forcé de demeurer d’accord qu’il n’est point de droit plus invinciblement, plus solennellement établi que celui du Chapitre, ni de qualité plus clairement démontrée que son universalité, & qu’il n’est point par conséquent d’opposition plus destituée de fondement, que celles des Habitants.

 

Monsieur DELPECH DE MEREVILLE, Rapporteur,

Me BUIRETTE, Avoc.