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René PINSARD ; Un Beauceron engagé

Auteur : Poulot  Créé le : 14/04/2024 18:11
Modifié le : 23/04/2024 07:29
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LBE publie ci après la biographie de René PINSARD commerçant, marchand de machines agricoles, et ancien Maire de Patay. Une rue de la zone d’activité, porte son nom. Ce texte a été écrit par son petit fils Denis à partir de ses carnets et notes personnelles et des souvenirs de son fils Yves PINSARD.

Ses origines familiales :

René PINSARD est né le 28 Novembre 1887 à St Sigismond, canton de Patay dans le Loiret. Ses parents, Ludovic PINSARD (1856-1941) et Clotilde SALLE (1862-1938) étaient cultivateurs à la grande ferme du Moulin, à St Sigismond. Ils eurent trois enfants : Marie-Louise née en 1885, René né en 1887, et Fernand le cadet né en 1889.

René PINSARD est issu d’une vieille famille beauceronne dont les ancêtres ont vécu à Epieds, St Sigismond et Baccon. Le plus lointain ancêtre PINSARD connu en ligne directe est un certain Mathieu PINSARD qualifié « d’homme de peine », inhumé à Epieds le 8 février 1682 âgé de 75 ans en présence de ses cinq enfants. Il était donc né vers 1607, sous le règne d’Henri IV. L’épouse de Mathieu, Marie Letourneur était décédée, un an avant. Elle fut inhumée à Epieds le 27 mars 1681 âgée d’environ 70 ans, soit née vers 1611 sous Louis XIII. Le couple Pinsard-PINSARD LETOURNEUR et ses enfants vécurent à Epieds sous Louis XIII et sous Louis XIV. A cette époque l’on retrouve plusieurs souches de PINSARD en Beauce, sans doute originaires de Bretagne. Pour cette époque, vu le manque de sources, il est difficile d’établir les filiations entre toutes ces souches PINSARD, comme celle de Gabriel PINSARD d’abord à Villamblain et que l’on retrouve à Guillard paroisse de Guillonville où il est notaire et laboureur ! Ce Gabriel PINSARD avait une très belle signature, Mathieu et ses fils, eux ne savaient pas signer.

Dans l’ascendance agnatique de René PINSARD on retrouve toute une succession d’ancêtres PINSARD presque tous prénommés Mathieu de père en fils. C’était la tradition de cette époque, avec d’autres prénoms comme Louis chez les FAUCHEUX, Charles chez les GOMBAULT.

Du côté de la mère de René, les SALLÉ ont leurs racines à Sougy. On remonte leur ascendance dans ce village jusqu’en 1550. Les SALLÉ étaient tous maréchaux-ferrants de père en fils, prénommés bien souvent Denis. Un ancêtre de Clotilde, Aignan SALLÉ né en 1736 à Sougy, maréchal-ferrant est le premier à quitter son village natal pour s’installer à Gémigny, où il épousera Marie-Anne FORTÉPAULE en 1764. Aignan SALLÉ sera maire de Gémigny. A noter que cet Aignan Sallé était le cousin germain du père du général d’empire Jacques DARNAULT (1758-1830) né à Bricy. Voir l’article le concernant sur L. B. E du 29 avril 2013. René PINSARD cousine un peu avec ce fameux général dont le nom est gravé sous les voûtes de l’Arc de Triomphe de l’Etoile à Paris !


Ses études, début dans la vie professionnelle :

René est en pension à St Euverte d’Orléans dès l’âge de 14 ans. Il obtient son baccalauréat vers 1905, à 18 ans. Sa mère Clotilde SALLÉ a dû lui parler de plusieurs membres de sa famille, les LEPLÂTRE notaires à St Péravy-la-Colombe, puis à Patay, alliés ensuite aux PASQUIET notaires à Patay, sur deux générations. René n’a pas le tempérament ni le physique pour devenir cultivateur, il s’oriente vers le notariat influencé par ce contexte familial.

Il débute chez Maître Gabriel PASQUIET, notaire à Patay, en tant que « saute ruisseau » puis se forme pour être petit clerc. Il poursuit sa formation chez Marcel SALLÉ, un cousin de sa mère, notaire à Ouzouer-le-Marché -41- comme en témoigne le recensement de 1906, ainsi que des cartes postales reçues par René, à Ouzouer.

Puis de janvier au 7 septembre 1908, René est second clerc de notaire chez Maître LIÉBARD à Dreux qui lui délivre un certificat de travail avant d’être appelé à effectuer son service militaire. A Dreux il a rencontré les drouais Charles MAILLIER (1886-1970) futur érudit local, et l’Abbé Georges FALIGAN (1866-1914) vicaire, créateur du patronage St Jean, à l’origine de mouvements sportifs, de jardins ouvriers, de chorale, de théâtre, etc. La ville de Dreux a honoré ses deux personnes en donnant leurs noms à des rues de la cité. Durant la grande guerre René correspondit avec eux. En avril 1908, la préfecture de Chartres lui avait délivré un certificat pour pouvoir distribuer des brochures du Sillon.

Deux militants du Sillon

Son engagement au mouvement Le Sillon :

C’est à cette époque que René adhère totalement aux idées du mouvement social-chrétien « le Sillon « fondé par Marc SANGNIER (1873-1950). Ses membres se nomment les Sillonistes. Pour comprendre sa démarche il faut se remettre dans le contexte de l’époque.

Le 15 mai 1891 le Pape Léon XIII publie l’encyclique « Rerum Novarum » traduit selon le Vatican par « des innovations ». Elle constitue le texte inaugural de la doctrine sociale de l’Eglise catholique

L’encyclique condamne la misère et la pauvreté qui pèsent injustement sur la majeure partie de la classe ouvrière, tout autant que le « socialisme athée ». Elle dénonce aussi les excès du capitalisme et encourage de ce fait le syndicalisme chrétien et le catholicisme social. C’est dans cette brèche ouverte par cette politique de ralliement de l’Eglise à la République que naît, en 1898, Le Sillon, et la revue du même nom dirigée par Marc Sangnier. Il organise des cercles d’études, ouverts à toutes les classes sociales, dans l’idée de former une nouvelle élite. Le Sillon dispose d’un journal hebdomadaire « l’Eveil démocratique », tiré à 50 000 exemplaires. « Marc » est un homme d’action et de foi, doté d’un pouvoir de séduction peu commun, c’est un homme charismatique. Il conquiert par son éloquence et aussi par des méthodes modernes de communication. Au sein de ce mouvement on discute beaucoup de religion, de société. L’ambiance est nouvelle, c’est l’échange qui prime. Le Sillon rassemble jusqu’à 25 000 personnes. Il bénéficie, au début, de l’appui du pape Pie X et de l’épiscopat français.

Cependant trop moderniste et républicain par rapport au reste de l’Eglise, et traumatisé par la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, du 9 décembre 1905, de plus en plus critiqué, Le Sillon est finalement condamné par la lettre pontificale du 25 août 1910, accusé de modernisme social. Le mouvement respecte la décision du Pape et se dissout lui-même.(https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Sillon)


Une des rue dédiée à Marc SANGNIER

Appel pour le service militaire :

Après son passage de quelques mois en terres drouaises, René quitte Dreux en septembre 1908. Il est appelé à faire son service militaire en Algérie. Il est de la classe 1907 selon son âge et comme stipulé sur son livret militaire. Il a dû bénéficier d’un report d’incorporation car il n’est appelé qu’en octobre 1908. Dans son livret militaire il est bien précisé sa profession de « clerc de notaire » puis en 1924 il est indiqué « mécanicien »

Il est incorporé à la 19ème section d’infirmiers à compter du 11 octobre 1908. Il est soldat de 2ème classe. Il sera caporal le 1er mai 1909, sergent le 14 novembre 1909.Il est envoyé dans la disponibilité le 25 septembre 1910. Il reçoit une instruction militaire à partir du 14 octobre 1908. Il suit les cours du peloton d’instruction en 1908-1909 à l’hôpital militaire d’Alger et obtient le caducée le 21.2.1909, il est affecté au bureau des entrées à l’hôpital « du Dey à Alger » pendant deux ans.

René PINSARD à Alger en 1908, La Chapelle de l'hopital du Dey

René fait partie d’un groupe de jeunes militaires adhérents au Sillon. Ils louent un local sur les hauteurs d’Alger, proche de la cathédrale St Philippe, dans la Casbah. René assiste presque chaque jour à la messe soit sur place, à la chapelle de l’hôpital, soit à la cathédrale. Il sort avec ses amis dès que son service est terminé, découvre les villages autour d’Alger, les gorges de la Chiffa au sud de Blida, les gorges de Palestro, la plaine de la Mitidja, le village de Maison Carrée. Le soir ils mangent très souvent ensemble au restaurant La Providence, où ils parlent beaucoup entre eux. René distribue régulièrement ses « éveils » le journal du Sillon. René est passionné de photographie. Il emporte souvent son appareil photo à plaques de verre, lors de ses balades, photographie des paysages, des enfants, ses compagnons. Il développe lui-même ses clichés. Il possède même une flûte, et chante quelquefois.

 

A la lecture de ses notes, écrites très finement qu’il faut une loupe pour les lire, dans ses carnets d’Algérie, il semble s’y plaire. Il découvre la nature, les orages, et un monde bien différent de sa Beauce lointaine. Il en oublie même d’écrire à ses parents. Il aurait eu l’idée de rester en Algérie mais il n’eut pas l’aval de son père !

Il est libéré officiellement le samedi 17 septembre 1910. Il touche la somme de 14,45 francs pour le trajet Marseille-St Sigismond. Il embarque le 22 septembre sur le paquebot « le Moulouya « pour son retour en métropole, et son débarquement à Marseille. Il a 23 ans.

Durant son séjour en Algérie, selon ses notes, on voit qu’à plusieurs reprises, il pense toujours à son métier de clerc de notaire.


Période 1910-1914 :

De retour en Beauce dès fin 1910, il trouve une place de clerc à Toury chez M° CHARPENTIER. En mars 1911 lors du recensement, on voit qu’il est pensionnaire à l’hôtel des sœurs LEJEUNE, rue Nationale, tout près de l’église St Denis. Son livret militaire mentionne qu’il demeure à Orléans en janvier 1914, au 99, rue de Coulmiers. Le 4 mai 1914 il réside à Voves, suite à une nouvelle place de clerc de notaire en cette ville, ainsi qu’en 1919 comme précisé dans son acte de mariage. .

La guerre de 1914-1919 et sa mobilisation

La mobilisation générale est décrétée le 1 er août 1914. Il arrive à son corps à Paris le 3 août, puis à Fontainebleau d’où il est dirigé vers Bar le Duc. Il arrive en gare de Nançois-Tronville le 5 août. Il est affecté à l’ambulance 6/5 c’est-à-dire à la 6 ème ambulance du 5 ème corps d’armée.

Dans deux carnets de guerre pour la période de décembre 1914 jusqu’à avril 1917, numérisés par les AD du Loiret, on retrouve son itinéraire durant la guerre dans l’Argonne. Il passera par Varennes, les Islettes, Ste Menehould, et d-autres villages : « Deuxnouds-devant-Beauzée », et « Four de Paris » ! Il est confronté aux blessés, aux amputations, aux morts, aux inhumations. Il lui arrive de compter 100 à 200 blessés en une journée. Plus de 100 ans après cette époque, ses notes nous rappellent à la dure réalité de ce qu’il a vu et vécu en tant qu’infirmier. Le dimanche il assiste régulièrement à la messe à 6h, et aux vêpres l’après-midi, quelquefois. Les grandes fêtes religieuses comme Noël, Pâques l’inspirent beaucoup dans ses commentaires. Le 26 décembre 1914 il rencontre le colonel Peppino Garibaldi 35 à 37 ans, petit-fils de Giuseppe Garibaldi (1807-1882), à la tête du 4 ème RM « revenant de guerroyer au Mexique » à la recherche de son frère qui serait blessé. En parallèle dans un autre carnet, comportant 111 pages et 84 correspondants, il note toutes ses correspondances reçues et expédiées du lieu de stationnement des ambulances. Il écrit beaucoup, le courrier fonctionne assez bien. Il correspond souvent avec sa sœur Marie-Louise épouse de Marcel PINSARD, lui prisonnier durant toute la guerre, en Allemagne. Le 28 août 1916 il reçoit une lettre de sa sœur lui apprenant la mort accidentelle de sa nièce Marie, survenu le 25 août, suite à l’explosion d’une chaudière à vapeur chez son grand-père Ludovic, lui est légèrement brulé à la cheville ; elle avait 15 mois. Il échange beaucoup de ses cousins beaucerons comme des PINSARD, FAUCHEUX, GOMBAULT, et de ses connaissances du temps de l’Algérie, de Dreux, du notariat, et de nombreux amis prêtres. Le 29 mai 1916, une lettre de Madame Pierre LOURY, née Alice GOMBAULT, (sa cousine), lui indique « qu’elle a appris le 27 la mort de son mari, après être restée trois semaines sans nouvelles de lui. Blessé près de Douaumont ou Vaux, par obus, arrachement main droite et plaie à l’abdomen, transporté à l’ambulance 5/3 d’où il lui avait fait écrire ; blessé le 28 avril, décédé le 4 mai et inhumé au cimetière de Dugny (Meuse). Elle lui demande si il peut avoir des détails sur ses deniers moments, la destination donner à ses objets personnels recueillis à son décès et des prières. Le 19 juin, il y aura trois ans qu’ils se mariaient. (le 14.6.1913), En temps qu’infirmier, René n’est pas directement sur le champ de bataille, mais il en voit les blessures, les souffrances. Il obtiendra la Médaille de Verdun. Il est nommé adjudant le 16 avril 1918. Le 11 novembre sonne enfin l’armistice, mais pas encore la libération. Elle intervient pour René que le 19 juillet 1919, à Paris, au service de l’état civil, à l’Ecole Militaire. Au final il aura passé deux ans de service militaire et cinq ans à la guerre soit au total, sept années au service de la France. Il a 32 ans.

René PINSARD en 1918

Le mariage de René avec Marie Vivet :

Il se marie le 30 août 1919 à Toury avec Marie VIVET née en 1894, elle a 25 ans. René a dû connaitre Marie durant son séjour à Toury, comme clerc de notaire, et avant la mobilisation de 1914. Elle est issue d’une longue lignée de VIVET tous charpentiers de père en fils.

Dans ses carnets de guerre, aucune trace de correspondance entre eux. René se marie six semaines après sa libération. Le mariage devait être prévu avant la guerre. Dans les témoins du mariage on note la présence d’Henri GAUDIER 57 ans, lointain cousin de René, notaire à La Loupe, son parrain, encore un notaire ! Autre témoin Fernand PINSARD son frère, 29 ans, mécanicien à Patay. Pour comprendre la suite, attardons-nous sur ce dernier.

Fernand PINSARD et sa cousine Madeleine (Photo sur verre prise entre 1910 et 1914)

Fernand PINSARD - PINSARD-GRILLIERRE, puis PINSARD Frères.

Fernand Aignan Raphaël est né en 1889 à St Sigismond, deux ans après René. Il apprend la mécanique à Orléans et installe un atelier à la ferme du Moulin chez ses parents. Il est très bon mécanicien, inventif, sans doute bon vivant. Il est de la classe 1909. Dans son dossier militaire on lit qu’il est sans cesse en sursis, à cause « d’une acné généralisée et une tumeur bénigne de la région cervicale ». Fernand épouse Julia GRILLIÈRE le 1er septembre 1917 à Patay. Elle y était née le 10.8.1898 à Patay, place Jeanne d’Arc, son père Emile était maréchal-ferrant. Jules GRILLIERRE son frère était mort le 14 juillet 1915 en Grèce, sur l’ile de Leumos, à l’âge de 19 ans. Sa « tombe » au cimetière de Patay, y est honorée chaque 11 novembre par le souvenir français. Julia décède en mars 1978 à Chécy, elle est inhumée à Patay.

Les établissements PINSARD frères puis PINSARD René soignent leur communication

Le 1 er janvier 1918, il reprend la Maison LORIN-JOUSSET, rue Trianon à Patay, qu’il renomme « Atelier de Mécanique PINSARD-GRILLIERRE », comme en témoigne une carte publicitaire de l’époque. Il voit grand. En avril, puis en juillet 1919, il organise des démonstrations de labours avec des tracteurs Parrett, venus de Chicago aux USA, avec quatre roues métalliques, celles à l’arrière plus grandes avec des pointes. Fernand a fait imprimer des cartes publicitaires où on le voit lors de cette démonstration, lui au centre, en costume, casquette, à gauche un des ouvriers près de la charrue, à droite l’autre ouvrier sur le tracteur M. MAUPU, chef mécanicien. (Source J Cl Pinsard).

Selon Yves, l’oncle Fernand conduisait une grosse voiture Berliet 15 cv, avec une capote de toile et des sièges en cuir. On pouvait facilement s’asseoir à quatre à l’arrière. Est-ce sa voiture garée devant le garage de la rue Trianon, que l’on voit sur une carte postale ancienne ?

La rue Trianon et l'entrée du garage PINSARD sur la gauche

Après la guerre tout est à reconstruire. Fernand a dû sentir les futurs besoins de l’agriculture. Il convainc son frère René à s’associer ensemble, vers 1920. C’est la naissance de « l’Atelier de mécanique PINSARD Frères » à Patay. René abandonne le notariat, il s’occupera des papiers, Fernand de la mécanique. Ce dernier crée du matériel pour faciliter le travail des agriculteurs, comme l’ensachoir P.F. ou des presses à botteler à main. Ils font beaucoup de publicité dans les journaux locaux, éditent des fiches techniques publicitaires explicatives pour leurs inventions. L’affaire prospère. Vers 1931 Fernand tombe malade. Des divergences de gestion apparaissent. Fernand doit se faire soigner, il s’installe à Orléans. René reprend l’affaire à son nom, mais doit indemniser son frère. Des publicités pour des machines agricoles dans le Journal du Loiret de 1932 au nom d’ « Anciens Ateliers PINSARD Frères » René Pinsard, successeur sont publiés, et une publicité pour « le nouveau tracteur PARRETT :  modèle H. 25/30 au nom de MM. PINSARD frères, à Patay, agents régionaux pour le Loiret, Eure et Loir, Loir et Cher et limitrophes » en janvier 1921 dans l’Almanach de la Démocratie.


Ets PINSARD rfeprésentant des tracteurs PARRET

Les années 1930-1940.

René fidèle à ses idées voulait donner une bonne éducation à ses fils. Les trois aînés, Pierre, Jacques, et Yves iront à Mesnières en Bray, entre Rouen et Dieppe, dans un château siège d’une institution privée, pour parfaire leurs connaissances. Chacun des enfants y passera deux ans, de 12 à 14 ans, ne rentrant à Patay qu’aux vacances de Noël, Pâques et à la fin de l’année scolaire. René prétendait que l’éloignement de la famille leur formerait le caractère ! Dès 1934, Pierre a commencé à travailler à l’atelier, suivi en 1935 de Jacques à la comptabilité. Yves sera apprenti charcutier à Cravant près de Beaugency En 1936 la famille de René vend leur maison de la rue de la Croix -Blanche, située en face de la maison où se trouve cette croix blanche, pour revenir habiter la maison de la rue Trianon, où était né Pierre, en 1920.

Vue aérienne des ateliers PINSARD à la sortie de la guerre

En 1939 c’est le début de la guerre. Avec l’invasion rapide de la France par l’armée allemande en mai 1940, ce sera l’exode en juin 1940, avec son flot de populations fuyant vers le sud, sur des routes encombrées. Peu de temps après, tout le monde est retourné chez soi.

Deux de ses fils Jacques et Yves seront désignés pour aller travailler en Allemagne dans le cadre du STO, entre 1943 à 1945. Yves est de retour en gare d’Orléans le 8 mai 1945 ! Jacques rentre peu de temps après.

Raoul FREMONT et René PINSARD dans le bureau de ce dernier à Patay vers 1949

La Libération :

Le 26 décembre 1944, plusieurs patichons se réunissent en la salle de Justice de Paix pour la création d’un Comité Local de Libération de Patay. Toutes les sensibilités y sont présentes. Un bureau est nommé de suite. En voici la composition : Président Narcisse PÉGUY, retraité PTT, ex-détenu politique des Allemands, Vice-Président Albert TAILHEFER, garagiste, chef local de résistance du groupe « Vengeance », Secrétaire, René PINSARD mécanicien, CFTC, Secrétaire Adjoint : Jules DUMAIT, horloger, Lorrain, déporté du travail, puis réfractaire, trésorier Paulin DOUSSET, ancien cultivateur, Républicain modéré. Il semble qu’il y ait eu deux comités comme l’atteste un courrier du 27 février 1945, débutant ainsi « Le Président du Comité N° 1 de Patay à M. PÉGUY, Président du Comité N° 2 à Patay ».

A la fin de la guerre René milite dans un nouveau parti le M.R.P. (Mouvement républicain populaire), créé en 1944.

Il avait repris les idées du « Sillon » de ses jeunes années. Il milite auprès de Pierre GABELLE qui sera député du Loiret de 1945 à 1962. Yves se souvient d’avoir accompagné son père pour aller soutenir ses amis candidats. Citons le : « Je me suis toujours demandé, et me demande encore, comment Papa a pu faire face à tant de responsabilités à la fois : ses affaires, la mairie au lendemain de la guerre, il lui fallait régler de nombreux problèmes, et en plus la politique pour laquelle il mettait toute son ardeur, sa conscience et une partie de son temps ».

Son fils Yves témoigne : « Quand je pense que malgré ces journées épuisantes, il a trouvé le moyen d’étudier un peu l’allemand pour pouvoir communiquer avec les prisonniers employés aux travaux de la commune. Pour mon père, ces hommes avaient besoin aussi d’être aidés et écouté. Il m’a montré, un jour, un dessin offert par l’un d’eux représentant une bougie allumée et entourée de feuilles de houx, avec un texte écrit en gothique, souhaitant un heureux Noël et offrant les vœux de cette petite communauté au Maire de Patay »

René PINSARD, Maire de Patay de 1945 à 1959

Nous empruntons à M. Yves CARREAU, Conseiller Général, Maire de Patay, quelques phrases de son allocution qu’il fît le 29 décembre 1980 aux obsèques de M. René PINSARD.

Le 19 mai 1945 René PINSARD est élu Maire de Patay. Brillamment réélu au conseil municipal le 19 octobre 1947, il est confirmé dans ses fonctions de Maire le 23 Octobre 1947. Il est bien réélu le 26 avril 1953. Il sera Maire jusqu’au 20 mars 1959. Il aura exercé cette fonction de mai 1945 à mars 1959 soit 14 ans. Il restera simple conseiller municipal pendant 12 ans, jusqu’au 31 mars 1971, date à laquelle il se retire définitivement de la gestion des affaires publiques. Au final il aura exercé des fonctions municipales à Patay durant 26 ans. Il a 84 ans. Aussi longtemps qu’il le put, il ne manquera pas d’assister aux cérémonies publiques, ainsi qu’aux activités de la section des Anciens Combattants de 1914-1918, dont il était un membre assidu.

Dynastie PINSARD, maires de St Sigismond

La fonction de maire d’une commune n’est pas nouvelle dans l’histoire de la famille Pinsard. L’allocution que fit M. Christian POITOU (1931-2021), le 22 mai 1961, alors instituteur- secrétaire de Mairie de St Sigismond, à l’occasion des noces d’Or de M & Mme Fernand PINSARD retrace l’origine des PINSARD de St Sigismond. Il nous relate que le premier maire de la commune fut Mathieu PINSARD (1763-1847) marié en 1789 à Marie Françoise LENORMAND. Il est maire de 1790 jusqu’à 1815. Plusieurs générations de PINSARD administreront la commune jusqu’ à Ludovic père de René. Puis, Fernand PINSARD sera maire 18 ans, son fils, Jean PINSARD est aussi maire 18 ans et le petit-fils Jean-Claude PINSARD, lui sera maire 25 ans. Jean Claude a fait les comptes, des Pinsard de la même famille auront été maires de St Sigismond presque durant 217 ans ! La suite se continue à Patay : Sabine PINSARD, petite fille de René, épouse M. Patrice VOISIN. Celui-ci est élu maire de Patay en mai 2020.

Bilan municipal de René Pinsard

La cité Saint Exupéry en 1965
 

M. CARREAU retrace son bilan : « Son action comme Maire a été orientée vers un développement équilibré de la commune et l’amélioration de ses équipements collectifs ». Il commence les acquisitions des terrains du lotissement de la Grosse Pierre, réalise le lotissement de Blavetin, et la Cité St Exupéry. Il développe l’assainissement dans les principales rues du bourg. Il fait réparer l’église endommagée par faits de guerre, sans oublier les écoles et la Maison de Retraite. « Ce travail de tous les jours M. PINSARD l’a effectué généreusement, sans négliger pour autant ses obligations professionnelles et familiales, qui étaient loin d’être négligeables »

Yves CARREAU, Léon PERDEREAU maire de Rou vray Ste Croix, René PINSARD maire Honoraire 

En remerciement pour tous ces services rendus à la commune et à ses habitants, M. le Préfet lui confère le titre de Maire Honoraire, par arrêté du 30 novembre 1977, il a 90 ans.

A cette époque il séjourne principalement dans sa chambre, lisant et écrivant toujours. Ses petits-enfants lui montent tous les jours ses repas à l’étage, pendant plusieurs années. Il décède le 26 décembre 1980 à l’âge de 93 ans. Il est enterré à Patay avec son épouse Marie, sa fille Monique, et ses grands-parents maternels François SALLÉ et Angélina LEPLÂTRE.

Pour ses obsèques à l’église St André, c’est l’abbé Jacques LEROY (1907-2004) ancien curé de Patay de 1955 à 1975, qui célébra la messe de sépulture. Voici quelques extraits de son allocution. « Lorsqu’il y a 25 ans, j’arrivais comme curé de cette paroisse, c’est Monsieur René PINSARD, alors Maire de Patay qui m’accueillait avec le Comité Paroissial, me remettant symboliquement les clés de l’église et qui après la messe d’installation, m’adressait au jardin paroissial une allocution de bienvenue Et nos relations ont été depuis lors des plus amicales et confiantes » Et de poursuivre « sa vie a été un admirable exemple de fidélité à Dieu et de services de ses frères » « M. PINSARD a été un grand chrétien qui a su mettre toute son existence, toutes ses activités en accord avec sa foi », » M. PINSARD a été fidèle à cet idéal de jeunesse qui l’avait si profondément marqué »

L ’Abbé LEROY évoque la guerre de 1914-1918, où mobilisé comme infirmier, il se dévoue inlassablement au service des blessés. « Mais en dehors de ses fonctions officielles, son dévouement, sa bonté, dont on a quelquefois abusé, s’exerçaient à l’égard de tous, particulièrement des plus déshérités » Il termine « en étant bien persuadé que Dieu a accueilli avec sa miséricordieuse bonté son fidèle serviteur qui a consacré sa longue vie à l’amour de Dieu et au service de ses frères »

René PINSARD dans son appartement du premier étage de la rue Trianon en 1976

Et de rappeler la fin de l’allocution de M. CARREAU qui relate une conversation qu’il avait eue avec M. PINSARD au sujet de ses obsèques. « Il m’avait recommandé de ne pas lui dire Adieu mais : Au revoir ». Il voulait ainsi manifester sa Foi profonde de Chrétien, qu’il n’avait jamais cherché à dissimuler » et encore « J’ajouterai que nous garderons de vous, le souvenir d’un homme de bien ».

Et dans ses souvenirs, Yves conclut une conversation avec un cultivateur de la région, de son âge qui a très bien connu René PINSARD: « mon père fut un saint homme».

1949 arrivé des tracteurs Massey-Harris en Beauce

Le 31 janvier 2011, Denis reçoit un mail de Jean-Claude PINSARD de St Sigismond, concernant un article paru dans l’hebdomadaire LIFE aux USA en 1949, au moment du Plan MARSHALL et du programme ECA. De quoi s’agit-il. Un fermier « français » nommé Raoul FRÉMOND (1887-1965) d’Epieds en Beauce, reçoit un des tout premiers tracteurs introduits en France grâce à l’aide du plan MARSHALL. C’est un tracteur de la marque MASSEY-HARRIS, commandé par Raoul FRÉMOND chez son ami René PINSARD (comme le dit l’article de Life), marchand de tracteurs et maire du village de Patay, qui l’aide à remplir les papiers. Le tracteur arrive en février 1949 dans l’atelier de mécanique PINSARD. Il avait été commandé deux ans et demi avant, payé 580 000 francs, soit 1933 dollars. Sur une des photos on voit Pierre PINSARD, fils de René, terminant l’assemblage du tracteur. Pour l’époque c’est assez innovant. Combien de ces tracteurs ont été vendus par la suite, et comment René en avait eu l’exclusivité ?

Par la suite, les Etablissements PINSARD et fils développeront l’activité machines agricoles, l’irrigation, l’électro-ménager, l’automobile, l’électricité avec les marques comme MASSEY-HARRIS puis SAME, BRAUD, CITROËN, ESSO.

Dans les années 1985 Jean-François PINSARD, fils de Pierre reprendra avec son épouse Chantal, la partie mécanique et l’électricité avec Jacky REBOUR, jusqu’au 30.9.2006. Durant 88 ans le nom de PINSARD a illustré la profession de mécanicien à Patay et dans ses environs.

Durant toutes ces années Marie VIVET, l’épouse de René.a toujours été dans l’ombre de son mari. C’était la femme au foyer selon le schéma de cette époque, mère de six enfants, cinq garçons et une fille décédée en bas âge. Yves déclare dans ses mémoires « nous avions une bonne mère, elle criait beaucoup, mais finalement avait peu d’autorité sur nous, nous étions très libres » « A la belle saison, notre mère allait passer quelques heures au jardin, sur le boulevard. Il y avait de bonnes pommes «de la variété Madeleine », beaucoup de fraises,, des cerises et des asperges. Elle y rencontrait Mme LEMAIRE, l’ancienne cordonnière, propriétaire d’un terrain voisin. C’était l’occasion de longues conversations entre elles. En 1960 Marie a eu une première attaque cardiaque, l’année suivante, elle décédait à 67 ans.

En conclusion

La rue René Pinsard se situe dans la zone industrielle à côté de la rue Emmanuel LEGER (1841-1934) minotier, Maire de Patay. En janvier 1946, René PINSARD fit un discours lors des obsèques de M. Louis LEGER (1868-1946), fils du précédent, ancien minotier, ancien maire de Patay plus de vingt ans, et Capitaine au 40 ème RIT pendant la guerre de 14-18.

< loirebeauce-encyclopedia.fr> remercie Denis PINSARD, un des vingt-quatre petits-enfants, pour ce témoignage à la mémoire de son grand père et de toute les familles PINSARD.

Sources :

Carnet du service militaire en Algérie, de février 1910 au 31 mai 1911. Relecture de Geneviève Pinsard.

Carnets de guerre de René Pinsard, sergent à l’ambulance 6/5 pendant la guerre de 1914-1918, période 1914-1917 Aux Archives départementales du Loiret côte 6 NUM 41 ; 243 images.

Souvenirs de Yves PINSARD , avril 1997.

AD du Loiret : les registres matricules.

AD du Loiret : les recensements.

Généanet. Arbre personnel à « columbo » et « columbo 2, pour Gabriel Pinsard.

Gallica.

Remerciements à Thomas Pinsard pour son aide informatique.

A M. Jean-Claude Pinsard de St Sigismond pour ses informations sur les Pinsard de  « St Simon »

A M. Jean-Charles Leloup ancien président de la Société Généalogique d’Eure & Loir, pour les publicités d’avril et juillet 1919 concernant les démonstrations tracteurs Parrett, organisées par Fernand.