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Petit Journal N°13 Page 3

Auteur : Poulot  Créé le : 30/03/2015 15:51
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17ème Jeudi de l’Histoire. ‘’Les vicissitudes du trèfle incarnat (farouch ou fareau (*))’’

 … « PATAY, capitale mondiale du fareau titrait l’album « Foires et marchés du Loiret ». Il n’en fallait pas un mot de plus pour déclencher chez moi l’idée de faire revivre cette ‘’petite graine’’ qui allait faire connaitre au monde ‘’Patay’’ et donner, à ce jour, une lecture toute autre que celle de l’ingratitude de la ‘’Beauce riche – Grenier de la France’’- qui avait affublé l’autre partie de celle-ci de l’appellation du plus mauvais goût de ‘’Beauce pouilleuse ‘’. Cette partie pauvre, au sud du pays, comprenait essentiellement les deux vallées de la Conie (Conie de Patay – Conie de Viabon). Certes, au regard des rendements céréaliers qui allaient du simple au double, il fallait pour vivre s’orienter différemment. C’est sur le 3ème sol de l’assolement triennal que s’orientèrent nos courageux exploitants de ces maigres terres appelées ‘’guérouettes’’. L’élevage du mouton et le complément en ‘’fareau graines’’  allaient fournir un revenu supplémentaire non négligeable permettant de faire, comme ils disaient, la « soudure », c'est-à-dire boucler le budget et payer les dettes. En réfléchissant avec 70 années de recul, j’ai tenu à apporter un éclairage sur les marchés du fareau, ayant été élevé au cœur même de cette ruche bourdonnante – le mot n’est pas trop fort – qu’était le café du Commerce tenu par mes parents jusqu’en 1967. Face au café, cette immense halle aux grains où se tenait chaque mardi le traditionnel marché, grains et bestiaux drainant une large et fidèle clientèle de 30 kilomètres à la ronde. Nous sommes en 2012, les temps ont bien changé ; la modernisation a laminé toutes les traces de cette époque révolue. Les années 50 sonnèrent la fin de la culture du fareau. La halle aux grains, sa sœur jumelle la halle aux volailles et le café du Commerce vont disparaitre en 1967. Les producteurs ne se posaient pas la question de la destinée de leur « fareau » et, bien entendu, les acheteurs-négociants restaient discrets sur l’importance des besoins. La rumeur persistait sur un emploi destiné à la fabrication de la poudre à canon …En fait, les besoins étaient très importants dans les régions d’élevage ou de production laitière de l’hexagone ou de pays voisins, mais plus encore, et c’est ce est qui le moins connu, une majeure partie de la production de fareau allait faire la convoitise des Etats- Unis d’Amérique ! Les Américains développaient leur production  céréalière et mettaient en culture des immensités incultes de leur territoire ; ils s’intéressaient au fareau afin d’en produire et de l’enfouir ‘’ en vert’’ pour amender leur sol. L’aventure du fareau, après une interruption durant les années de guerre, s’achèvera dans les années 1950/52. L’arrivée des engrais chimiques mettra un terme à sa production et, pour tous les acteurs de cette épopée, une page de l’histoire de l’agriculture Beauceronne venait de se tourner. »

 

(*) Quelques rappels : avec la luzerne, le sainfoin et les lupins, les trèfles font partie des légumineuses qui captent l’azote de l’air et le rétrocèdent une fois enfouis. Le fareau, un engrais le plus naturel, peut-être aussi le plus beau, quant il prend les couleurs et le parfum du trèfle incarnat. Le semis s’effectuait vers le 15 septembre, à la main ou à la volée directement sur le chaume et superficiellement enterré par 2 passages de herse. La coupe se faisait généralement avec une moissonneuse-javeleuse et, après quelques jours de séchage, on emmenait la récolte dans une grange pour son traitement par une batteuse spéciale. Ce battage était extrêmement pénible pour les hommes en raison de la poussière qui prenait à la gorge, rougissait les yeux, collait sur la peau en sueur provoquant d’irritantes démangeaisons …

 

 

Guy DESCAUSES