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Aux 15ème Rendez-vous de l'Histoire à  Blois du 18 au 21 octobre 2012 : « Eric ORSENA exprime sa gratitude aux Paysans »

Auteur : Poulot  Créé le : 31/10/2012 22:39
Modifié le : 23/07/2022 16:36

Les quinzièmes rendez vous de l'histoire de Blois étaient, cette année, placés sous la présidence d'Eric ORSENA, académicien, romancier, explorateur, économiste et cette liste non limitative pourrait se résumer d'un mot: encyclopédiste.

Il revenait au président de cette manifestation de prononcer la conférence de cloture.

En introduction le conférencier s'est dit impressionné par la gourmandise du savoir qu'il avait ressenti auprès des visiteurs de ces « 15èmes Rendez-vous » < les citoyens d'aujourd'hui veulent comprendre le monde> . Quelle relation a t on avec l'histoire? L'histoire est un questionnaire permanent, qui engendre le doute, d'où le questionnement qui peut être porté par les romanciers ou par les cinéastes.

Pour illustrer ces affirmations E. ORSENA, ancien conseiller et nègre du président MITERRAND, a dressé un parallèle entre deux personnages qui ont, chacun, marqué leur époque:

-LENÔTRE, jardinier à qui Louis XIV a donné l'opportunité de réaliser le domaine végétal de Versailles;

-PEÏ Ieoh Ming, l'architecte américano-chinois, qui à la demande du président, réalisa, en 1988, la pyramide du Louvres;

L'un et l'autre de ces dirigeants savaient ce qu'ils devaient à l'artiste: Pendant un temps leur destin s'est trouvé mêlé.

 

Mais alors, pourquoi rendre hommage aux Paysans?

< Nous sommes des enfants gâtés qui voulons tout, tout de suite et qui ont la fâcheuse tendance à ne pas dire merci. Aujourd'hui, j'ai envie de dire merci >.

Nous mobilisons beaucoup de savoir pour que l'eau qui coule à notre robinet soit une eau potable exempte de pollution ou de microorganismes pathogènes. En France nous avons une eau de qualité. Eric ORSENA a ensuite témoigné des difficultés qu'il avaient rencontrées pour réaliser son documentaire sur la situation de l'eau dans le monde, avec la pression de certains groupes, pour qu'il relate des situations scandaleuses là où il n'y en avait pas, simplement parce que le catastrophisme fait vendre. Le livre qu'il a écrit, sur l'eau lui a permis de nuancer les différentes situations. Il a réaffirmé sa volonté de lutter contre toutes les pollutions, celles qui se voient comme en Bretagne, et celles qui ne se voient pas (nitrates, pesticides) mais qui ne doivent pas moins être réduites et faire l'objet de suivis scientifiques réguliers.

Il s'est fortement élevé contre les groupes qui rendent notre alimentation responsable de l'augmentation vertigineuse des cancers, alors que notre espérance de vie n'a jamais été aussi longue.

 

Alimentation/citoyenneté.

Il a attiré l'attention sur le fait que les consommateurs n'étaient pas forcément de bons citoyens. L'amélioration de la qualité de notre alimentation a forcément un coût additionnel, or on constate que la part de l'alimentation dans les budgets des ménages a tendance à diminuer d'une année sur l'autre. .

 

Innovation/principe de précaution.

La vigilance vis à vis des progrès est indispensable, mais doit on se priver du savoir?

Pourquoi rejeter par principe les cultures d'OGM?

Pourquoi interdire les recherches sur les modes d'exploitation des gaz de schiste?

Ces attitudes « de risque du non risque » sont irresponsables et aboutissent à tuer l'innovation et l'esprit d'entreprise. Et Eric ORSENA de s'interroger:

N° 17 à l'académie française, Louis PASTEUR, aurait découvert le vaccin contre la rage s'il n'avait pas pris le risque de tester son vaccin sur ce jeune paysan?>

Le principe de précaution est une attitude normale, la précaution négative tue l'initiative et l'innovation. La tendance actuelle à l'obscurantisme n'est pas acceptable. Il est vrai qu'il y a eu des dérives avec certaines agences de surveillance noyautées par des lobies: ce n'est pas acceptable, mais ce n'est pas pour autant qu'il faille toutes les condamner.

 

Les raisons qui suscitent cette gratitude envers le monde paysan

Eric ORSENA en a dénombré sept:

 

-1)La diversité: La menace mondiale de voir cinq ou six grands pays produire l'a totalité de l'alimentation mondiale qui serait acheminée par des norias de cargos, au motif que ce mode de production est le moins cher, cette suppression de la diversité des sites de production et des espèces cultivées, n'est pas acceptable et de citer:.

Le maintien de la diversité est une nécessité. Elle est cependant attaquée: cf le débat sur la promotion des vins de cépage au détriment des AOC.

 

-2)Continuité. L'agriculture mais aussi et surtout l'élevage sont des activités compliquées qui supposent des engagements sur le long terme. Pour faire un kilog de bœuf il faut d'abord un éleveur qui s'engage, qui y consacre sa vie. Cet engagement et cette continuité doivent être salués

 

-3)Maintien d'une proximité et d'une diversité dans la filière du paysage.

Ayant présidé aux destinées de l'école du paysage de Versailles, Eric ORSENA est particulièrement sensibilisé au devenir de cette filière. Il dénonce le système des marchés publics qui privilégient le moins disant et qui indirectement favorise les entreprises allemandes où la main d'œuvre agricole

ne coute que 8 à 9€ de l'heure, alors qu'elle est de 12 à 13€ pour la française.

Ce système pervers débouche sur une réduction de la palette végétale: en effet les espèces cultivée à Brème sont rarement compatibles avec les climats de Rochefort ou de Marseille; La conséquence de ces pratiques est la disparition de nombreux pépiniéristes.

 

-4) Le Progrés.On pourrait, certes aller plus vite dans la modernisation des pratiques agricoles, notamment dans la diminution de l'utilisation des pesticides et des herbicides... Il se trouve que d'énormes efforts ont été faits et que de nombreuses exploitations ont atteint des niveaux d'utilisation de pesticides compatibles avec la gestion de l'environnement, mais aussi parce que ces produits sont très couteux et que l'agriculteur ne les utilise qu'en cas de grande nécessité.

L'image traditionnel véhiculé, notamment par les clichés de DEPARDON, où l'on voit un paysan vieux, décati, édenté, cette image là n'est plus d'actualité. Le paysan d'aujourd'hui, bac+ 2,3,4,voir 5

est un entrepreneur averti, connaissant le marché des cultures qu'il produit, correspond mieux à l'image que notre conférencier souhaite retenir.

 

-5) L'agriculteur gestionnaire de l'espace et des paysages: Eric ORSENA a parfois des difficultés avec certains environnementalistes qui soutiennent que la présence de l'homme dans les espaces cultivés demeure un problème. L'agriculteur d'aujourd'hui a globalement, tout à fait conscience d'être un acteur essentiel et incontournable dans la gestion des paysages et des espaces ruraux. Peut on imaginer un instant un pays sans paysans? D'autre part les surfaces cultivées diminuent chaque année sous l'influence de la pression urbaine. Les agriculteurs ainsi chassés de leur terre doivent aller plus loin retrouver un facteur essentiel de leur travail où les terres, moins fertiles, demandent souvent plus d'intrants.

L'exemple de l'Asie, déficitaire en terres arables,qui cherche sur d'autres continents des terres à louer et à exploiter doit nous sensibiliser au rôle que jouent nos agriculteurs dans la gestion de l'espace et dans les incontournables négociations entre les ville et la campagne

 

-6) L'alimentation et la gourmandise: Ces deux mots sont liés par deux espaces horizontaux de citoyenneté: le champ et la table. Si l'espace-champ disparaît, il n'y aura plus rien à mettre sur la table. La table est un lieu essentiel d'apprentissage de la civilité par le temps passé ensemble. Malheureusement, aujourd'hui ce lieu est parfois « avalé » par la verticalité de l'écran plat que l'on regarde en « bouffant » et < j'en suis accablé > s'est écrié le conférencier.

Le but ultime des agriculteurs est de fabriquer ce que l'on met sur la table. L'abandon de la table est aussi préjudiciable que l'abandon de l'école.

 

-7)L'apport de l'agriculture à la balance commerciale de notre pays. La balance commerciale de la France, mesure la différence entre ce que l'on achète à l'étranger et ce que l'on y vend. C'est le solde de cette balance qui fabrique la dette. Nous avons des trésors avec la diversité de nos territoires. Pourquoi vend on notre bois à l'extérieur et que nous importons des meubles? L'agriculture engendre une somme d'activités qui se constituent par filière,.nous manquons de filières organisées pour mieux promouvoir telle ou telle culture. Notre force réside dans le fait que l'activité agricole n'est pas délocalisable. La volatilité actuelle du cours des céréales est avant tout le fait que nous n'ayons pas de stocks. Il faut aussi produire plus et mieux, se protéger, et doubler la production d'ici trente ans. Le mode de production bio doit aussi être développé mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'il produise plus de 25%.

 

Voilà pas mal de raisons de dire merci aux agriculteurs. Merci à l'agriculture qui est le reflet de notre société: .

Cette société est elle équilibrée, diverse, gourmande, est ce une société respectant la nature ou non?

Eric ORSENA se dit être un recycleur d'idées avec constitution d'une « soupe d'humus d'histoires ».

En ce sens il s'identifie aux pratiques de ses voisins agriculteurs

Avec les agriculteurs, il entretient un sentiment de fraternité. Entre eux et lui la référence au temps qui fait, au temps qui passe, au temps nécessaire à la production agricole ou littéraire montre qu'il y a de moins en moins de différence entre culture et agriculture.