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L'Exode des habitants de Tournoisis

Auteur : Poulot  Créé le : 13/11/2023 14:56
Modifié le : 18/12/2023 08:15
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Comme pour les habitants d'autres villages, la question de savoir s'il fallait quitter sa maison dedant l'invasion allemande en juin 1940, s'est posée aux Tournoisiens au milieu de ce mois de juin 1940..La consulation d'archives locales et le témoignage de quelques gamins de l'époque ont permis de retracer cette période de l'histoire récente du village de Tournoisis 

L’offensive allemande est déclenchée le 10 mai 1940. Les premiers bombardements du « camp » de Bricy interviennent le 11mai.

Chacun a encore dans la tête les images du film inspiré de l’ouvrage de Régine Desforges,« La Bicyclette bleue », avec ces cohortes de personnes et de véhicules qui envahissent les routes de France se dirigeant, en grand désordre vers le sud.

Tournoisis va connaître ses premiers réfugiés le 16 mai. Il s’agit de vingt cinq Belges de la commune d’Ethe à 4kms de Vireton dans la Province du Luxembourg qu’accompagne leur curé l’abbé Joiris.

Jusqu’au début du mois de juin, ce sera chaque jour un flot ininterrompu de réfugiés, de plus en plus dense qui traverseront nos villages. Le ravitaillement devient difficile. Dans les fermes, les volailles, lapins, œufs ne sont plus ramassés par le « marchand de lapins ».

A l’entrée nord de Tournoisis, des barrages de pierres sont dressés sur la route nationale (l’actuelle rue du portail).Leur objectif est de tenter, le moment venu, de retarder l’avancée ennemie. Toutes les nuits une batteuse à roues de fer est mise en travers de la route à hauteur de la « grange à Gassegrain ». Précautions bien dérisoires quand on observe cela avec le recul de plus de 60 ans.

Le vendredi 14 juin l’électricité est coupée , privant la population de radio et des nouvelles nationales.

Le samedi 15 juin, la population, de plus en plus anxieuse, accélère ses préparatifs de départ.

Revenant de Saint Sigismond où il est allé aux informations, Monsieur le Curé, Georges Prudhomme, se heurte à des éléments de cavalerie de l’armée française qui foncent à travers les blés avec tanks et camions chargés de barques, direction Meung sur Loire.

Vers 15heures, le Maire, Monsieur Langé, fait savoir à la population que la préfecture conseille de partir. Dans la nuit du 15 au 16 vers trois heures du matin, les habitants de Rouvray Ste Croix, maire en tête traversent Tournoisis. Quelques heures plus tard, au petit matin, les premiers Tournoisiens se mettent en route. Le bétail est abandonné dans les fermes. Les maisons vides sont aussitôt occupées par les réfugiés venus du nord qui y prennent un peu de repos et repartent Bien entendu cette situation quasi, anarchique fait le bonheur des pillards et des voleurs en tout genre. On les appelle la cinquième colonne. Dés le départ de ses propriétaires l’épicerie de Mr et Mme Gibert est pillée La moitié des habitants de Tournoisis partent. A la Chapelle Onzerain seules quatre personnes resteront au village.

Le 16 juin quelque temps avant la messe dominicale, Monsieur le curé Prudhomme procède à l’inhumation du lieutenant Robert Joly commandant de la 10ème batterie anti-chars du 85ème régiment d'artillerie, tué la veille à Ablis. Ses compagnons d’armes n’ont pas voulu l’abandonner sans sépulture. Au cours de l’après midi de ce dimanche, les Tournoisiens qui sont restés, se regroupent sur la place de l’église et aident les réfugiés toujours plus nombreux à trouver leur chemin.

Dans la nuit du 16 au 17 juin vers deux heures du matin Monsieur le curé qu’accompagne le fermier de la Tour vont à Vilamblain chercher du pain. On peut donc légitimement penser que le boulanger de Tournoisis et sa famille étaient sur la route de l’exode. Cette expédition sera souvent rééditée au cours de l’occupation.

Le 17 juin vers 13heures des coups de feux sont entendus. Les premiers éléments de l’armée allemande sont aux portes du village, au prise avec des soldats français mêlés aux convois de réfugiés. La confrontation dure trois quart d’heure. Le calme revenu , les soldats allemands demandent aux habitants de se regrouper dans l’église, pour pouvoir plus facilement débusquer d’éventuelles forces de résistance cachées dans les blés. Opération bien illusoire, aucun résistant ne sera trouvé. Dés cet instant Tournoisis puis Nids sont en zone occupée.

Alors que les militaires allemands occupent progressivement le village, un soldat algérien essaie seul de résister et tente d’abattre l’officier qui discute avec François Duneau, le maréchal-ferrand. Son tir passe entre les deux hommes. Il s’enfuie alors vers l’église et est abattu par une rafale de mitrailleuse lourde postée près du mur de la mare, devant la forge. Il tombe près de l’actuelle rue du moulin. Le corps de Chicouche Kaddour, c’est ainsi qu’il se nomme, est relevé par des prisonniers qui, dans un drap, le porte jusqu’au cimetière, creusent sa tombe et l’enterrent. Son acte de décès sera enregistré en mairie le cinq octobre 1940. Au cours des échanges qui ont marqué l’entrée des allemands à Tournoisis Un réfugié , a eu ses deux chevaux tués.

 

Après cette journée mouvementée le calme de l’occupation s’impose à Tournoisis.

Le 24 juin les troupes occupantes fêtent leur victoire. Le 25 c’est la signature de l’armistice

Pendant ce temps, sur les routes de l’exode, les Tournoisiens tentent de gagner puis de traverser la Loire. Les candidats au départ se sont regroupées en groupe de vingt cinq à trente, par famille ou par entreprise. C’est ainsi que l’entrepreneur de battage, ses collaborateurs et leur famille partent avec deux équipages composés chacun d’un tracteur hongrois «Le  ROBUSTE » qui tractent l’un, une batteuse à Faro (trèfle incarnat) neuve, et l’autre un batteuse à céréales équipée d’un engreneur automatique. Afin de réduire la consommation de carburant, la Torpédo où sont « entassés » les enfants, est accrochée derrière l’un des convois. L’huile lourde utilisée comme carburant par ces tracteurs enfume, quasiment jusqu’à l’asphyxie, les passagers de la Torpédo. Partis en direction de Vilamblain ils font halte le premier soir à Godonville. La plupart des enfants vont coucher dans le foin dans une grange, pendant que les adultes se relaient pour assurer la surveillance du convoi au milieu d’une multitude d’inconnus. Pour cette première nuit la pluie est de la partie compliquant un peu plus la nécessaire logistique. Le lendemain, Jules Réau au volant d’un tracteur et André Maillard au volant de l’autre , reprennent la route, direction Chambord. La Loire est traversée à Meung sur Loire dans des encombrements indescriptibles. Sur la route de Chambord des avions italiens mitraillent les convois de réfugiés. L’espace de quelques minutes nos Tournoisiens se réfugient dans la forêt, la peur au ventre.

Tous les soirs un fourneau à gaz permet de cuisiner et d’assurer des repas corrects en utilisant légumes, lapins ou volailles qui ont été emportés.

L’armée d’occupation rejoint nos Tournoisiens au hameau de la Vernèle, peu après Selles sur Cher à quelques kilomètres de l’Indre. A partir de cet instant poursuivre cette équipée devient illusoir, il est donc décidé de rentrer au pays.

De retour au village un spectacle de désolation attend les voyageurs. De nombreuses maisons sont squattées par les troupes d’occupation. Dans les locaux de l’actuel Relais Saint Jacques un officier occupe la chambre du rez-de-chaussée, son ordonnance la pièce d’à coté.

Au premier étage 6 militaires utilisent deux des trois chambres tandis que la famille

composée de 7 personnes s’entasse dans la troisième.

De fin juin à septembre 1940 les troupes allemandes occuperont le village à quatre reprises.

Fin septembre, 70 jeunes recrus de 18 ans voir moins, font une partie de leur classe à Tournoisis. Il sont souvent rassemblés sur la place devant le café Bablin pour faire de la musique et surtout chanter. La « roulante » est installée dans la cour de Madame Santerre, et c’est là que les soldats viennent prendre leur repas qu’ils proposent parfois aux Tournoisiens. Il s’agit le plus souvent d’un bouillon où nagent légumes, nouilles et quelques rares morceaux de viande. Régulièrement des camions de l’occupant reviennent d’Orléans ramenant le produit du pillage des magasins notamment des balles de tissu qui sont partagées et expédiées au delà du Rhin. Les jardins familiaux sont régulièrement visités, les groseilles et les framboises mangées sur pied, et même les poireaux fraîchement repiqués sont arrachés. L’épicerie Gibert est tenue de servir l’occupant en priorité. Les cartes de rationnement apparaissent dès cette époque, pour les matières grasses, le sucre, le pain, la viande, la lessive, le savon.

Un couvre feu est instauré tous les jours à partir de vingt heures

 

Entre la fin août et le mois d’octobre 1940, l’armée allemande installe au sud de Nids, à cheval sur les communes de Saint Sigismond, Epieds en Beauce et Tournoisis, un faux camp d’aviation, sur près de 400hectares. Des pistes sont tracées sur les parcelles de blé fraîchement récoltées, avec des bandes blanches, pour simuler l’entrée de piste. Quatre avions « rescapés » des bombardement de Bricy sont ramenés là. Plus tard un ou deux avions en bois seront installés à cet endroit pour le plus grand bonheur des gamins de l’époque qui rêvaient peut être de devenir pilote, ils s’appelaient Lucien Réau ; Michel Daniel ou Marcel Vassort, Jacques, Pierre ou Guy Gauchard, Pierre Gidoin ou Louis Lesourd .

 

Ce récit a pu être fait grâce aux archives de Georges Prudhomme curé de Tournoisis, des mémoires privées de Marie Gombault épouse Pointereau, et des témoignages informels notamment de Lucien Réau.