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Le Pain de Dede GILBERT: Extrait de l'Haritage pardu

Auteur :  Créé le : 04/12/2021 16:35
Modifié le : 04/12/2021 16:42
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Dans son livre "LHaritage Pardu" Dédé,  André GILBERT ancien maréchal ferrant à Epieds en Beauce, nous raconte un épisode de la vie d'un gamin de Beauce voici une soixantaine d'années. L'ayant fait moi même, en mangeant la tare du pain de quatre livres, sur le chemin du retour de la boulangerie à la maison, la lecture de ce qui suit a réveillé en moi plein de souvenirs d'écolier du primaire dans un village beauceron en 1950.

 

Quanqu’ j’ étin gna et pi d’une grande famille, y avé des corvées qu’fallé bin fère ; l’ matin avant d’allé à l’école, on allé au pain ; y avé bin l’ boulangé qui passé dans l’bourg, avec sa dérouine à 3 roues, mé cété l’ pétit pain, ç’lui des bourjoués et des renquiers qu’avint des sous ; nous on ach’té qu’ du grou, des pains d’quate livres,fendus ; on payé avec la taille et l’ boulangé y fésé l’appoint du poids avec une pesée ; comme on até huit ou dix à la méson, en fallé deux ; cété du bon pain ; l’ four chauffé au bon boulio fendu, quanqui l’ été chaud, y raclé lé braises, lé metté dans l’ étoufoué en tole, ça s’ applé du brasi et ça sarvé dans les fournios à braises, donc apré y l’enfourné ; en sortant du four on senté l’ pain chaud dans tout l’village ; on allé au pain à deux ; en r’venant on commencé par mangé d’la pésée, mé on amé mieux pignoché les croutes qu’y avé dans la fente ou bin l’ bout du grignon ; si ça s’voyé d’trop, on s’ fésé attrapé.

 

Cheu nous l’ matin on déjeuné avec un grand bol de café au lait avec deux ou trois tartines routies, c’été une tartine d’ la largeur du pain fendu,de deux ou trois centimètres d’épaisseur, grillée su les braises ou l’ fournio. A tous les r’pas, y avé la soupe au pain ; la mère a coupé des lichettes dans la soupière juste avant d’ la mangé ; quanqu’ y avé un plat avec de la sauce, on fésé dé saucettes pour pomper tout l’ jus ; y avé aussi les mouillettes pour les eus à la coque, du fromage sec, un petit bout et un gros chignon d’pain ; les gnas à la cantine deux grousses tartines de pain avec un bout d’ cochon apéli enter lé deu ; fallait pas fère de trop sou, fallé l’ mangé sec et par l’ dessus tavé l’ droué à la morale : « Mon p’tit gars, ça s’respecte, y’ en a tellement qui n’on pas et tu sé pas si t’ en aura toujou. ». J’ m’ en suis rap’lé en Allemagne pendant la guerre.

 

Dans les lé farmes on en mangé encore pu ; y avé la soupe matin, midi et soir, ou la trempée l’été ; y avé aussi l’ gouté pendant lé quate mois avec un creusiot d’ fromage mou, et pi dans lé plats y avé défoué pu d’ jus qu’ d’ pitance.

 

Nous les ouvriers-on disé pas lé artisans- on mangé moins d’cochon, mé eux y n’avint à tous lé r’pas, fré l’ amtin et le souère, chaud l’ midi ; dans une farme de trois charrues y tuin un cochon tous les mois.

 

Pour l’ fromage sec, les gars y n’en mangint pas tant qu’y voulent bin dire, un grou bout à chaque repas, ça fésé un peu pu d’ cent grammes, mé y mangint aussi du fromage mou, l’ matin avec un gendarme et pi l’ été au gouté et l’ souère avec du sel, du poivre, d’ l’ognon, mé jamais avec du sucre.

 

J’oublie d’ dire, l’ pain cété sacré, cété l’ chef de famille ou l’ mète charquier dans les farmes qui l’ coupint avec pour tout l’ monde ; y fésé l’ signe de croix d’ sus avec la point de leu coutio avant d’ fère l’entame ; on l’ metté jamé sen d’su d’ sou, ç a v’lé dire que y avé l’ diable dans la méson.

 

 

Surceu, bon appétit