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La château de Huisseau-sur-Mauves :Une grande Maison noble Chapitre 2

Auteur : gaston  Créé le : 18/05/2023 09:06
Modifié le : 18/05/2023 09:13
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<loirebeauce-encyclopedia.fr> complète ci après par ce nouveau chapitre, l'histoire du Château de Huiseau-sur-Mauves contée par l'écrivaine  Anne-Marie ROYER-PANTIN spécialiste du patrimoine architectural du Loiret

UNE GRANDE MAISON NOBLE, LES CUGNAC-DAMPIERRE

L’une des grandes figures de cette lignée est le fils de François Ier de Cugnac et de Jeanne d’Avy, François II de Cugnac seigneur de Huisseau, qui s’est couvert de gloire militaire au service d’Henri III et Henri IV. Lui-même élevé dans la religion protestante, marié à la fille d’un belliqueux capitaine huguenot du nom de François de Boucard, il comptait parmi ses aïeux de grandes figures du protestantisme comme les du Lac de Chamerolles et les Coligny. Il n’en est pas moins resté fidèle à son souverain, tout au long de la 2ème moitié du XVIe siècle, pendant les troubles violents des guerres de Religion et de la Ligue. Il avait, dès la mort d’Henri III, prêté allégeance au roi Henri IV, guerroyant sur tous les champs de bataille à ses côtés contre les armées de la Ligue, multipliant les hauts faits d’armes. Pour tous ces services rendus, le roi l’avait nommé maréchal de camp en ses armées en 1589, conseiller d’Etat en ses conseils privés, lieutenant général au gouvernement de l’Orléanais, chevalier du Saint-Esprit en 1595, puis en 1598 avait érigé sa terre de Dampierre en baronnie (avec permission de se qualifier de « premier baron du comté de Gien »). L’année suivant son décès en 1615, Dampierre était érigé en marquisat.

Pendant tout cette époque, les Cugnac, qui résidaient à Dampierre ou à la Cour, n’ont pas habité le château de Huisseau, qui d’ailleurs avait été fortement endommagé (tout comme l’église) par les bandes de huguenots et de ligueurs. C’est en 1627 qu’Antoine de Cugnac, après que la terre de Dampierre, grevée de dettes, a été saisie et vendue, vient s’installer dans son château de Huisseau-sur-Mauves et prend le titre de baron de Huisseau. Après avoir participé activement à la Fronde aux côtés du prince de Condé en 1650-1652, il se retire sur ses terres et entreprend les importants travaux de restauration qui ont donné au château son aspect actuel.

Le dernier des marquis de Dampierre, Marie Pierre Antoine de Cugnac, chevalier de Saint-Louis qui avait fait carrière dans la Marine comme capitaine de vaisseau, a traversé la Révolution sans émigrer, sans jamais quitter Huisseau : il a tout fait pour que la terre de ses ancêtres ne soit pas aliénée et pillée par les révolutionnaires (qui en revanche s’étaient acharnés sur le château voisin de Montpipeau, détruit de fond en comble). De son épouse Louise-Angélique Savary de Lancosme, il n’a eu qu’une fille, Antoinette Louise Eléonore de Cugnac-Dampierre, qui apporte en dot la terre et le château de Huisseau à Armand Vespasien marquis de Bizemont, qu’elle épouse en 1800. Elle meurt jeune en 1805, laissant un fils unique Antoine Louis Vespasien de Bizemont en 1801.

 

LES HEURES SOMBRES DE LA GUERRE DE 1870

 

Branche cadette d’une vieille famille noble, les Bizemont ont été, tout au long du XIXe siècle, très attachés à Huisseau : amateurs d’art éclairés, ils ont restauré la vieille demeure, embelli l’intérieur, et se sont beaucoup investis dans la vie locale. Antoine Louis Vespasien, marquis de Bizemont, a été maire du village de 1860 jusqu’à son décès en mai 1870 ; et ce sont ses deux fils Arthur né en 1833 et Jules né en 1834, habitant l’un et l’autre le château de Huisseau, qui vont faire face, avec courage et dévouement, à l’invasion allemande pendant la guerre de 1870, Arthur en tant que maire et Jules en tant que capitaine de la garde nationale. Ils préparent, dès début octobre, la défense des habitants en organisant des patrouilles et armant des francs-tireurs. Ils s’opposent avec détermination aux violences et aux réquisitions exorbitantes des Prussiens, mais ils sont arrêtés, et leur château est occupé par l’état-major de la cavalerie bavaroise. Au mois suivant, les 8 et 9 novembre 1870, Huisseau va se trouver au cœur des terribles combats de la bataille de Coulmiers, au cours laquelle l’armée de Loire se lance victorieusement contre les troupes ennemies. Le château accueille alors les ambulances militaires, et les Bizemont prodiguent tous les secours possibles aux blessés. Mais la victoire de Coulmiers n’apporte qu’un bref répit, et, le 5 décembre, les Prussiens du prince Frédéric-Charles investissent à nouveau le bourg, pour- suivant leurs exactions jusqu’en février 1871. La commune sort de la guerre considérablement appauvrie : Arthur de Bizemont, qui restera maire de Huisseau jusqu’en 1914, multiplie les efforts pour rétablir la situation, n’hésitant pas à contribuer personnellement aux nouveaux aménagements (en particulier la construction de la nouvelle église) et apportant son aide aux plus démunis.

 

ET L’HISTOIRE CONTINUE…

A l’aube du XXe siècle, le domaine passe à la famille Robien, d’antique noblesse bretonne, par le mariage de Marie Thérèse Joséphine de Bizemont avec Henri Auguste Marie comte de Robien, lieutenant de vaisseau. Fidèle aux valeurs léguées par ses ancêtres, leur fils Alain s’engage dès le début de la guerre de 14-18, alors qu’il vient d’avoir 18 ans ; son courage et son dévouement lui valent plusieurs citations et la croix de guerre 1914. Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, il repart pour le front et en reviendra avec la croix de guerre 1939-1945. Et de retour à Huisseau, mû par le même idéal patriotique, il s’engage avec son épouse Marie dans la Résistance, dans le réseau Buckmaster animé locale- ment par l’abbé Pasty. Mais, début juillet 1943, la Gestapo lance un vaste coup de filet et les membres du groupe sont arrêtés et vont payer un lourd tribut pour la libération du pays : un émouvant monument dans la commune voisine de Baule rappelle le sacrifice de l’abbé Pasty et de sept de ses compagnons morts pour la France, dont Alain de Robien. Ce der- nier a en effet été arrêté avec son épouse et leurs trois fils aînés de 17, 16 et 14 ans ; et c’est le début d’un long calvaire : après les prisons d’Orléans et de Compiègne, Alain est déporté à Buchenwald, avant d’être transféré au camp de Flossenbürg, il meurt d’épuisement, tandis que Marie part pour le camp de Ravens brück, puis celui d’Holleischen, d’où elle ne revient qu’en mai 1945. Au cours de ces deux années d’enfer partagées avec son amie Germaine Tillion, elle eut une conduite admirable faite d’abnégation, de courage et d’altruisme.

 

Et puis la vie a repris son cours dans ce petit coin de campagne paisible. L’histoire millénaire du château de Huisseau-sur-Mauves s’est poursuivie, avec leurs enfants et petits-enfants, et aujourd’hui avec Yann et Catherine de Robien, qui, plus que jamais soucieux de préserver et partager ce beau patrimoine dont ils sont dépositaires, ont entrepris d’importants travaux de restauration sur les façades et les toitures de la vénérable demeure, afin de la faire découvrir au cœur de l’été, côté cour et côté jardin…