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Lucien Perdereau: Sénateur-Paysan au service du bien commun 1900-1975

Auteur : Poulot  Créé le : 26/01/2024 17:00
Modifié le : 01/02/2024 22:56
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LBE met en ligne la biographie de Lucien Perdereau, qui par son action a marqué tout à la fois sa commune, son canton et notre département.

Ce texte a été écrit par son  fils, Louis Perdereau.

Le temps de la jeunesse.

Lucien Perdereau est né en 1900 à la Borde, ferme isolée, située à 2 km du bourg de Bricy. La famille compte 3 garçons, Lucien est au centre de la fratrie. L’ambiance est austère, laborieuse et masculine. Pour aller à l’école, le petit Lucien est placé sur un vieux cheval, qui fait seul la route le conduisant à la maison du grand-père au centre du village.

 

Plus tard, le petit paysan connait la vie de pension (Institution St Marc d’Orléans), découvre la ville et se fait des camarades pour la vie parmi les citadins, arboriculteurs de St Marc, commerçants d’Orléans, futurs prêtres…

Dès l’âge de 16 ans, au cœur de la grande guerre, il est amené à prendre en mains les manchons de la charrue et à faire très jeune l’expérience du rude travail de la terre.

Le service militaire.

La guerre est finie, l’Armistice est signé. Le 14 mars 1920, Lucien part au régiment curieux d’approcher les artisans de la victoire de 1918. Muté en Allemagne, il est amené en qualité de Sergent/fourrier à prendre contact avec la population locale… Il apprend.

 

 Cultivateur à Bricy.

En 1924, Lucien épouse Marcelle et reprend le Colombier, la ferme du grand-père Adrien, celui qui avait été otage des Prussiens en octobre 1870.

Voyant sa ferme amputée d’une vingtaine d’hectares par la création du camp d’aviation (1932), Lucien s’attache à en reconstituer le potentiel. Adepte de la mécanisation, sans rien connaître à la mécanique, il achète au lendemain de la guerre deux tracteurs de légende un Mc Cormick WD9 et un Field Marshall.

Ses fils Charles et Raymond prennent tôt le relais dans la conduite de la ferme. Ils seront tous deux agriculteurs à leur tour, l’un à Boulay-les-Barres, l’autre à Bricy.

Maire de Bricy : 40 ans au service de la commune.

Lucien entre au conseil municipal en 1929 et devient Maire en 1935. Il a la volonté de moderniser son village : électrification (1928), adduction d’eau (1937), remembrement (1957), trottoirs (1960), salle des fêtes (1963). Tout cela ne se fait pas sans heurts. A chaque fois, il faut expliquer, convaincre les sceptiques, composer avec les opposants. Village historiquement divisé entre protestants et catholiques, Bricy a la sagesse de son passé. Il sait dépasser les clivages et retrouver la paix dans l’échange au quotidien.

Conseiller Général : 28 ans au service du canton de Patay.

Cette élection est due à la notoriété bien involontaire acquise par Bricy, village occupé et lourdement bombardé ainsi qu’à la réputation de Lucien. Maire de Bricy avant et pendant la guerre, il a su rester droit et juste face à l’occupant, aux réquisitions, aux bombardements et au double exode de 1940 et de 1944.

Le 25 septembre 1945, Lucien est élu Conseiller général. Très rapidement une harmonie sans faille s’instaure entre le nouvel élu et les 13 maires du canton. Les promesses électorales sont tenues : adduction d’eau, électrification des écarts, réfection des routes, mise en place de transports en remplacement de la ligne de train Orléans/Chartres, sans oublier le soutien aux vieux travailleurs et aux économiquement faibles.

Ce travail passionne Lucien Perdereau. Il s’y emploie pleinement, multipliant les démarches auprès des services de la Préfecture. Dans le canton, les châteaux d’eau ne tardent pas à pousser comme des champignons : Ormes, Coinces, Villamblain, Tournoisis, Saint Péravy…A cette époque, Ormes fait partie du canton de Patay et Boulay-les-Barres relève d’Orléans.

Patay change de visage avec la construction du silo de la Casval, la création de la Cité Saint Exupéry, œuvre du Maire M. René Pinsard en 1958 et la réalisation de la zone industrielle, grâce à la détermination du maire M. Maurice Gilbert. Lucien Perdereau leur apporte un appui total.

L’émergence des projets d’intérêt général comme la création du CEG (Collège d’enseignement Général), la rénovation de la Maison de Retraite ou le traitement des ordures ménagères donnent une autre dimension à la fonction de Conseiller Général, appelé à devenir promoteur et animateur des actions de développement local.

Elu Sénateur en 1951

Le 12 août 1951, un drame conjugal bouleverse la situation locale. Le Dr Pierre Chevalier, député-maire d’Orléans, est assassiné par son épouse. Pierre de Félice, sénateur, se présente pour le remplacer à la Chambre des députés, il est élu. Son siège au Conseil de la République (nom donné au Sénat jusqu’en 1958) se trouve ainsi vacant et une élection partielle est ouverte pour le 30 septembre 1951.

Irréaliste quelques mois auparavant, la candidature de Lucien Perdereau au Sénat se justifie par l’analyse du corps électoral composé essentiellement de maires ruraux. Candidat désigné par l’union de la Droite et du Centre, Lucien rassemble beaucoup d’atouts. C’est un homme neuf, aussi réservé dans ses propos que ferme dans l’action. C’est un agriculteur, tourné vers la modernité et l’action collective. C’est un maire dynamique et sa participation au Conseil Général lui a valu d’être élu Vice-président de l’Assemblée départementale.

Le 30 septembre 1951, au soir de son élection de Sénateur, Lucien Perdereau peut déclarer: cette victoire n'est pas la mienne, c'est la vôtre.

Le 30 septembre 1951, Lucien Perdereau est élu sénateur. Ce succès électoral est un évènement qui bouleverse la vie politique locale. Mis à part le cas de Léon Pellé, maire de Huisseau sur Mauves, ancien député de la 3ème République, Lucien Perdereau est le premier agriculteur du département à être élu parlementaire. Le monde paysan se réjouit et se reconnaît en lui.

 Il sera réélu à 3 reprises, chaque fois au premier tour de scrutin. Son mandat s’exerce sous les présidences successives de Vincent Auriol (1947-1954) René Coty (1954-1959), Charles de Gaulle (1959-1969), Georges Pompidou (1969-1974).

 

 

À une époque qui ne connaît pas la complexité de décision et d’action d’aujourd’hui, Lucien Perdereau inscrit son action nationale dans le cadre du CRARS (Centre Républicain d’Action Rurale et Sociale). Il participe avec bonheur au renouveau politique et économique insufflé par le général de Gaulle.

Au plan local, il réussit à s’imposer sans s’inféoder aux partis leaders de l’époque, à savoir l’UNR et le PS. Il déploie son activité dans de nombreuses associations d’intérêt social, éducatif, sportif et plus précisément au profit des Maisons familiales, des Coopératives d’habitat rural, des Coopératives agricoles de stockage et sucrières…

 Travail … et esprit de service.

 

Cette double injonction inspire l’éducation que Lucien et Marcelle donnent à leurs 6 enfants. La vie au Colombier, loin de se dérouler comme un long fleuve tranquille, est régie par des principes simples comme : « Debout, le lit fatigue ! » - « Il faut savoir se rendre utile ». Cela peut faire sourire, mais cela reste dans la mémoire familiale. Louis-Robert Perdereau, fils de Raymond, petit-fils de Lucien et aujourd’hui maire de Bricy, peut en témoigner.

  Pour ceux qui l’ont connu, travail et esprit de service résument assez fidèlement la vie de Lucien Perdereau. Bien évidemment, le travail n’a pas été une option, mais il en a fait un impératif de vie au point d’en compromettre sa santé. Son esprit de service résulte de son éducation et de ses convictions humanistes. Au soir de sa vie, on a logiquement cité le passage du Nouveau Testament qui invite le disciple à « demeurer en tenue de service » (Luc - 12)